vendredi 23 novembre 2007

RETRANSCRIPTION AUDIO - La Chine est notre problème - Alexandre Adler

France Culture - Chronique internationale, vendredi, 23 novembre 2007

Lorsque la Chine ouvre une centrale nucléaire et ferme une centrale à charbon, ce n’est pas seulement à elle qu’elle rend service, mais à l’humanité toute entière. La Cina è vicina, comme disait Marco Bellocchio dans la belle époque des années 68, la Chine est notre voisine. Elle l’est aujourd’hui beaucoup plus qu’elle ne l’était à l’époque.

Ne parlons pas de l’avion, seul George Pompidou avait eu le privilège de survoler la Sibérie pour se rendre à Pékin. Aujourd’hui, c’est tous les jours et cela raccourcit tellement l’écart temporel entre Pékin et Paris – si vous prenez un avion de Pékin à 13h20, vous êtes à 15h à Paris, bien sûr, il y a les fuseaux horaires – mais cela donne le sentiment de proximité. Or, cette proximité nous touche directement sur le plan de l’environnement. C’est simple, si la Chine continue dans la politique qui est la sienne, avec la croissance qui est la sienne et la productivité qui est la sienne, nous allons êtres enfumés à l’échelle mondiale. Et, d’un autre côté, pour ceux qui vont conseiller aux Chinois d’adopter un mode de vie austère qui les rapproche de l’idéal confucéen et les (?) de l’industrie, comme dirait le général de Gaulle « on leur souhaite bien du plaisir ».

En fait, la situation est toute simple. La Chine doit à la fois avancer sur le plan de la productivité, sur le plan de la propreté et sur le plan de la diversification. Et ce n’est pas un problème qui est chinois maintenant, mais mondial.
Propreté : il y a énormément à faire, notamment pour produire à partir du charbon qui est devenu la principale ressource chinoise de l’énergie, dans des conditions un peu meilleures. Ce n’est pas impossible que la Chine absorbe, dans les années qui viennent, des brevets en ce genre qui changeront les perspectives.
Diversification : la Chine doit acheter du pétrole et du gaz un peu partout. Il est souhaitable qu’elle arrête d’avoir cette politique qui ressemble à celle de l’Aramco américaine des débuts des années 50, de rentrer dans un pays et de chercher à en acheter 80% de la production. C’est à la fois déstabilisant et enfantin. Petit à petit, les Chinois verront la lumière. Si on laissait leurs entreprises investir dans des sociétés occidentales, ce que l’on ne fait pas aujourd’hui, ça irait peut-être mieux.

Mais, l’essentiel, c’est d’arriver à une production d’énergie propre immédiate, et au risque de choquer beaucoup de nos auditeurs vert – alors que je parle de l’Empire jaune et d’un pouvoir rouge – la principale énergie propre est le nucléaire. Or, dans ce domaine, la France qui marque le pas dans les exportations vers la Chine a un avantage qui est installé depuis les années 70, avec la grande centrale de Taipa, à côté de Canton, que EDF a construite. Et la France maintient son avantage technologique grâce à Areva. C’est la raison pour laquelle le point d’orgue de la visite de Nicolas Sarkozy à Pékin devrait être la vente de 2 centrales nucléaires supplémentaires, avec des réacteurs EPR. On sait que le débat avec les Chinois a été sur le transfert des technologies, car on sait bien que le gouvernement chinois voudrait faire des one shot : acheter un exemplaire chaque fois d’un élément technologique avancé en Occident et le reproduire chez lui. C’est inévitable, mais il faut savoir où tombe le curseur.

Cela dit, il est évident qu’une attitude responsable qui se projette un peu dans le futur vers la Chine est d’aider les Chinois et de leur faciliter l’accès à toutes les technologies énergétiques qui sont à des coûts raisonnables et il faut abaisser encore ces coûts, car lorsque la Chine ouvre une centrale nucléaire et ferme une centrale à charbon, ce n’est pas seulement à elle qu’elle rend service, mais à l’humanité toute entière.

Alexandre Adler