-Bonjour Alexandre!
-Bonjour Ali!
-Ce matin, une menace bien cachée en Chine…
-Oui. Étant donné que l’actualité internationale nous laisse un petit répit, j’en profite pour faire ma chronique sur un de ces points obscurs que les aléas de l’actualité quotidienne nous empêchent de voir, alors qu’ils sont fort intéressants.
À Pékin, en ce moment, le chantier des Jeux Olympiques est en train de s’achever sur un véritable triomphe architectural. On peut aimer ou moins aimer ces tours absolument monstrueuses, cet urbanisme qui fait penser aux romans de science-fiction du début du XXe siècle. Il n’empêche que la Chine a gagné son pari sur le plan de l’architecture, de l’aménagement urbain et qu’elle se prépare à remporter une très grande victoire de propagande avec les Jeux Olympiques cet été. Seulement, en même temps, des nouvelles un peu contradictoires nous parviennent de Chine qui euh qui craquèlent un peu ce beau miroir que nous tend la capitale de la République populaire. Et en particulier, un phénomène social tout à fait nouveau et relativement peu connu : la rébellion militaire.
En effet, précisément parce que la Chine devient une puissance militaire, elle diminue ses effectifs considérablement. On sait que le service militaire a été supprimé, à peu près officiellement, une vingtaine d’années et cette armée de volontaires est encore beaucoup trop nombreuse, avec des unités d’infanterie qui n’ont aucun caractère opérationnel. Donc, petit à petit, chaque année, le ministère de la défense décide d’une compression des effectifs au profit du matériel.
Le résultat est qu’il existe en suspension dans la société chinoise pas moins de 20 millions, je dis 20 millions, évidemment avec 1'300'000'000 de personnes, cela n’est pas si important que cela, d’anciens militaires.
Alors, ceux qui sont d’origine urbaine sont plus ou moins recasés. On oblige les entreprises d’État qui ont licencié beaucoup de personnel à prendre ces militaires en semi-retraite. Elles le font plus ou moins bien, mais elles le font.
En revanche, le problème, c’est celui des nombreux soldats d’origine paysanne (la troupe, les sous-officiers). Et ceux-là reviennent à la campagne où il n’y a plus rien à faire pour eux. Où les progrès de productivité, les transformations de la campagne ont depuis longtemps laissé pour compte les emplois qu’exerçaient leurs parents. Voici donc des gens qui sont souvent au chômage, élevés dans une idée patriotique très forte, avec le sentiment que la Chine doit être grande et qu’elle doit lutter contre la corruption. Des groupes, des syndicats d’anciens soldats naissent un peu partout. Des manifestations ont eu lieu. Et surtout, ce que craint le plus le Parti communiste chinois, naît lui-même d’un grand mouvement militaire – « le parti commande au fusil » enfin le fusil compte beaucoup dans l’idéologie de la Chine révolutionnaire – c’est que ces anciens militaires représentent les cadres pour toutes ces petites insurrections, ces petites jacqueries qui parsèment aujourd’hui la campagne chinoise dans un bouleversement que le pays n’a jamais connu (11% de croissance en moyenne), ces huit dernières années.
Donc, en fait, nous ne sommes pas encore, heureusement, à une insurrection généralisée, nous ne sommes même pas à un type du genre Tian’An Men. Mais, ce phénomène fait partie des inquiétudes très nombreuses, qui derrière la façade très brillante continue à assaillir les dirigeants communistes chinois et qui n’ont rien à voir avec les affres de la mondialisation, ou plutôt en sont le contrecoup.