mardi 15 avril 2008

Robert Ménard, marchand de bien - Philippe Cohen

Marianne, no. 573 - Repères France, samedi, 12 avril 2008, p. 46
En théorie, Robert Ménard est un journaliste. D'ailleurs, il a la carte. En pratique, il est un activiste des droits de l'homme et du journalisme. Du coup, ça fait déjà vingt-trois ans qu'il n'en fait plus, du journalisme, depuis qu'il a fondé avec le journaliste-éditeur Jean-Claude Guillebaud et Emmanuelle Duverger, sa compagne, Reporters sans frontières.


Sur le modèle, bien sûr, de Médecins sans frontières. Rony Brauman figurait d'ailleurs parmi les parrains de l'association. A l'origine, RSF marchait sur deux jambes : la défense des journalistes réprimés dans le monde et la réflexion critique sur le métier de journaliste. Un second volet auquel tenait beaucoup Guillebaud. "Quand on interpelle les leaders des pays du tiers-monde sur les atteintes aux libertés de la presse chez eux, a-t-il expliqué à marianne2.fr, la question qui se pose automatiquement à nous est de savoir quel usage nous faisons de notre liberté." Or, au bout de sept ans, Robert Ménard a arrêté la critique des médias au prétexte que l'on ne pouvait à la fois tendre la sébile aux médias d'une main et leur donner des coups de bâton de l'autre. RSF a donc remisé son bâton, et Jean-Claude Guillebaud a poursuivi ailleurs son travail de critique des médias. RSF est devenu une PME de l'humanitaire, et Ménard a repris, vingt ans plus tard, la revue Médias, un trimestriel de réflexion sur les médias, financé notamment par Stéphane Courbit. Avec le double coup d'éclat de Ménard à Athènes puis à Paris, la PME RSF prend des allures de multinationale du bien : 50 000 T-shirts noirs vendus en une journée, par ici la monnaie ! En tout bien tout honneur, rétorquera Ménard en ex-trotskiste roué. Et il aura raison. Car ce n'est pas un garçon intéressé. Critiqué par les "alters" pour son "antichavisme primaire", Ménard développe une conception absolue de la liberté de penser. Sauf que la transparence s'arrête là où commence le sponsoring : à leur demande, il ne cite pas le nom des entreprises qui le subventionnent pour ne pas gêner leur business en Chine....

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