Le dalaï-lama met en garde contre le sectarisme - BUHRER JEAN CLAUDE
Le Monde - Mardi, 30 juillet 1996, p. 4
"J'ai toujours mis en garde contre le sectarisme et jamais je n'ai interdit à quiconque quelque pratique que ce soit. J'ai simplement expliqué maintes fois pourquoi le culte rendu à l'esprit Dolgyal, que ses dévots nomment Dorge Shugden, était nuisible au Tibet et à sa cause." Rien ne semble devoir ébranler la sérénité du dalaï-lama, pas même une quarantaine de contestataires venus tout exprès de Grande-Bretagne pour le chahuter lors de son passage, à la fin de juillet, en Suisse, où réside la plus forte communauté tibétaine exilée hors du sous-continent indien.
Cette volonté de discussion, le chef spirituel tibétain la manifeste envers une dissidence de sa propre école, celle dite des Bonnets jaunes, qui a essaimé avec un certain succès, ces dernières années, dans le monde anglo-saxon, notamment en Grande-Bretagne. Ses adeptes se réclament d'une "nouvelle tradition au Kadampa" et vénèrent en particulier une déité protectrice du nom de Dolgyal ou Dorje Shugden. Pour le dalaï-lama la vénération de cet esprit en conflit depuis le XVIIe siècle avec la lignée qu'il incarne ne peut que porter préjudice aux intérêts du peuple tibétain.
Au-delà de la querelle théologique et des dissensions qu'elle peut semer au sein de la communauté tibétaine, le dalaï-lama pressent une manoeuvre dilatoire qui fait le jeu de la politique chinoise. Dispute d'autant plus regrettable, à ses yeux, qu'elle implique essentiellement des disciples occidentaux, regroupés autour d'un lama tibétain qui suscite, depuis des années, les réserves de ses compatriotes. Non contentes de réaffirmer leur confiance dans leur chef spirituel, les communautés tibétaines de Suisse, de Grande-Bretagne et des Etats-Unis se sont élevées contre la campagne de dénigrement lancée par les dévots dudit esprit en leur rappelant que, "si fort que souffle le vent mauvais, il ne peut éteindre la flamme de la vérité". Pour le dalaï-lama, il s'agit d'une "péripétie somme toute mineure". "Beaucoup plus important pour l'avenir du Tibet, ajoute-t-il, demeurent le sort du panchen-lama et l'urgence de stopper le flux migratoire chinois vers le Tibet."
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