La cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Beijing est à peine terminée qu’on se demande quels seront leurs effets sur l’avenir immédiat de la Chine.
Fred Bild, qui enseigne la politique chinoise au Centre d’études de l’Asie de l’Est, ne croit pas que les Olympiques auront une influence déterminante sur la libéralisation politique du pays. Le professeur, qui a été ambassadeur du Canada en Chine de 1990 à 1995, n’a pas la langue de bois d’un diplomate et ne se gêne pas pour critiquer, parfois sévèrement, tant le gouvernement chinois que celui du Canada ou encore le Comité international olympique (CIO).
«Les dirigeants chinois savent ce qu’il faut faire pour libéraliser le pays, mais ils n’osent pas passer à l’action parce qu’ils doivent garder le contrôle sur 1,3 milliard de personnes, affirme-t-il. Toutes les dynasties chinoises ont été renversées par des soulèvements du peuple. Certains voudraient exercer le pouvoir de façon plus libérale – par les lois et les tribunaux – et c’est pourquoi les autorités reconnaissent publiquement qu’il y a de 50 000 à 80 000 soulèvements de 100 personnes ou plus chaque année en Chine; on est conscient du problème et de l’énormité du défi.»
Les déclarations du président du CIO, Jacques Rogge, selon lesquelles la tenue des jeux dans la capitale chinoise allait favoriser la démocratie lui paraissent «ridicules». «Les seules promesses faites par Pékin se limitaient au déroulement des jeux et aux conditions de séjour des athlètes, signale-t-il. On ne peut pas dire “On vous donne les jeux à condition que vous changiez vos lois.”»
Une démonstration politique
Pour le professeur Bild, les Jeux olympiques sont «depuis longtemps une affaire de propagande politique», notamment depuis ceux de Berlin, tenus sous le régime nazi en 1936. «C’est demeuré le cas après la guerre avec les jeux de Londres en 1948, où les États-Unis rivalisaient avec l’URSS pour démontrer leur supériorité. En 1980, les États-Unis ont boycotté les jeux de Moscou parce qu’ils savaient qu’ils allaient être perdants.»
Le prétexte de ce boycottage était... l’invasion de l’Afghanistan par l’armée soviétique! Les Américains ont aussi cherché à bloquer la candidature de la Chine qui, incidemment, les dépasse en médailles d’or!
Pour la Chine, l’intérêt d’être l’hôte des Jeux olympiques est également politique. Fred Bild, qui était au Japon au moment des jeux de 1964 à Tokyo, dresse un parallèle entre ces olympiques et ceux de Beijing. «Le Japon, 20 ans après la guerre, avait besoin de montrer au monde qu’il n’était plus un ennemi et il voulait afficher son progrès économique et industriel. Pour ce qui est de la Chine, ses capacités économiques sont connues; elle a plutôt besoin de faire la preuve, près de 20 ans après le massacre de la place Tiananmen, qu’elle est devenue un pays normal qui sait recevoir et qui a des amis.»
Mais la Chine a plus de chemin à parcourir que le Japon, estime le politologue; le Japon de 1964 ne faisait plus peur alors que la Chine effraie encore avec son système antidémocratique et autoritaire.
Le CIO ferait-il donc le jeu des puissances politiques? «Ce comité n’est pas un organisme démocratique et ses membres ne sont pas élus, souligne le professeur. Les magouilles et la corruption sont la règle et l’attribution des jeux va au pays qui offre le plus.»
Le Canada, qui a été l’hôte à trois reprises des Jeux olympiques, semble toutefois faire exception. «Le Canada n’a pas ce nationalisme des pays comme les États-Unis, l’Angleterre ou la France, qui ont joué un rôle majeur dans l’histoire. Ici, ce sont les villes qui tiennent à recevoir les Olympiques. Lorsque le maire Drapeau a proposé la candidature de Montréal, Pierre Elliott Trudeau lui a d’abord dit qu’il n’aurait pas un sou du fédéral. On se souvient que M. Drapeau avait soutenu qu’il était aussi impossible d’enregistrer un déficit avec les Olympiques qu’à un homme de devenir enceinte...»
L’absence de Stephen Harper
Fred Bild ne croit pas au symbolisme olympique et l’absence du premier ministre Stephen Harper ne l’offusque pas outre mesure. Il s’inquiète toutefois ce de que révèle cette absence, un impair qui s’ajoute à d’autres. «Stephen Harper a une vision très étroite du monde et très peu de pays sont importants à ses yeux. Il n’a aucune idée de ce que représente la Chine. Il a pensé, en affichant une position ferme, s’attirer les votes de la droite morale et des Sino-Canadiens, que les conservateurs croient être anti-Pékin. Mais ils se trompent; les Chinois d’ici sont très fiers des jeux de 2008.»
Toujours selon le professeur, Jean Chrétien a raison de dire que l’attitude du gouvernement Harper à l’égard de la Chine détruit 20 ans de travail. «Même si la balance commerciale est à notre avantage, ce n’est pas connaitre les Chinois, dit-il. Espérons qu’il ne faudra pas 20 ans pour reconstruire les ponts.»
Le politologue déplore, en définitive, que les Jeux olympiques détournent le sport de sa véritable nature. «Les championnats mondiaux sont les vrais tests athlétiques alors que les Olympiques, avec leurs drapeaux et leurs hymnes nationaux, sont le sport des États. Le sport devrait demeurer dans le sport.»
Daniel Baril
Pékin ou Beijing?
Tout le monde aura remarqué le logo des derniers Jeux olympiques: «Beijing 2008» et non pas «Peking 2008». Les médias anglophones ont depuis longtemps remisé l’appellation anglaise. Mais, dans l’ensemble, les journalistes francophones n’utilisent pas la graphie «Beijing» même si elle est recommandée depuis 1977 par la Conférence des Nations unies sur la normalisation des noms géographiques et qu’elle est reconnue par l’Office québécois de la langue française. C’est également la seule forme employée en français par le Comité international olympique.
La graphie «Beijing» n’est pas la forme anglaise de «Pékin», mais la transcription phonétique en alphabet latin du nom chinois de la ville selon le système de transcription pinyin. «Comme la transcription “Beijing” est plus proche de l’anglais “Peking” que du français “Pékin”, les milieux anglophones l’ont plus facilement adoptée, indique Fred Bild. Pour ma part, j’utilise “Pékin” en français et “Beijing” en anglais et en mandarin.»
Les Jeux olympiques de Beijing auront donc servi de test et montré de nouveau le caractère plutôt conservateur de la langue française et sa propension à franciser les noms. (À noter que Forum utilise “Beijing” depuis le début des jeux, sur les conseils de sa correctrice, Sophie Cazanave.)
D.B.
Hygiene Vs Grooming
Il y a 1 an
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