CERTAINES ANNONCES sont des symboles. Celle de Bank of China hier en est un. La quatrième banque chinoise détenue à 70 % par l'État chinois, qui compte plus de 200 millions de clients et 220 000 employés, vient en effet d'annoncer l'ouverture d'une filiale à Genève. Elle sera le premier établissement chinois à prendre pied en Suisse et elle va le faire sur le créneau de la gestion de fortune.
« Nous voulons offrir nos services à une clientèle chinoise non résidente et à une clientèle internationale », explique Jacques Mechelany, qui dirigera la banque en Suisse. La cible ? La clientèle très fortunée, « une clientèle qui devrait augmenter au fil des années au sein de la population chinoise », selon la banque.
En pleine crise financière et bancaire, Bank of China met en avant sa différence. « La banque est très liquide, les prêts ne représentent que 60 % de ses dépôts et nous nous appuyons sur une économie qui est l'une des seules du monde à rester en croissance », ajoute Jacques Mechelany. En dépit du ralentissement, la Chine table en effet sur une croissance de l'ordre de 8 % et le pays dispose de réserves de 2 000 milliards de dollars. « Le taux d'épargne des Chinois est de l'ordre de 40 % et la Chine est en train de vivre une mutation structurelle du même ordre que celle des États-Unis à la fin du XIX
siècle », estime Jacques Mechelany pour qui la banque dispose d'atouts de poids pour séduire une clientèle privée à la recherche de sécurité et de liquidité.
La banque ouvre aussi une société de gestion d'actifs, BOC Suisse Fund Management à destination des institutionnels. Là aussi en surfant sur la crise. « Les obligations chinoises, qu'elles soient publiques ou privées, vont intéresser les investisseurs internationaux tout comme les actions, compte tenu des taux de croissance attendus. Nous pouvons leur donner un accès privilégié à ces marchés », estime Jacques Mechelany.
Une soixantaine de personnes ont été recrutées pour la banque privée et la gestion d'actifs, mais pour l'instant la banque reste discrète sur ses objectifs en termes de capitaux ou de nombre de clients. Bank of China, qui veut devenir une marque de poids dans la gestion de fortune dans les cinq ans qui viennent, assure être là pour longtemps. « C'est une opération stratégique, ce qui compte ce n'est pas le montant des capitaux que nous gérerons demain, mais le fait de pouvoir acquérir une expertise. » Elle entend aussi être prête au moment où les Chinois auront plus de liberté pour placer leur argent hors de leurs frontières. Les résidents peuvent aujourd'hui avoir des comptes à l'étranger, mais les transferts sont limités à 50 000 dollars par an. À l'avenir, la réglementation devrait s'assouplir.
L'entrée chez Rothschild gelée
Mi-septembre, Bank of China avait déjà frappé un grand coup sur le marché français en annonçant son entrée au capital de La Compagnie financière Edmond de Rothschild à hauteur de 20 %. « Cet accord stratégique doit nous donner un accès privilégié au marché chinois de la gestion privée et de l'asset management en accompagnant là-bas Bank of China auprès de ses clients », explique Michel Cicurel, le président du directoire de la Compagnie financière Edmond de Rothschild. La Banque privée Edmond de Rothschild (70 milliards d'euros sous gestion), cotée à Genève et soeur de la Compagnie financière accueille avec sérénité l'arrivée de la banque chinoise en Suisse. « Le groupe est en forte croissance en Suisse, il va dégager un résultat 2008 équivalent à celui de l'an dernier », indique Michel Cicurel.
Le fait nouveau pour lui ne se situe pas à Genève, mais bien à Pékin. Face à la crise, les Chinois ont en effet gelé toutes les opérations en cours et la Compagnie financière est aujourd'hui dans l'expectative. « Le régulateur chinois, CBRC, a suspendu tous les agréments pour les investissements des banques chinoises dans les banques étrangères à cause de la crise. Nous n'avons pas besoin de capitaux et ce report ne remet pas en question notre santé financière, la Compagnie financière Edmond de Rothschild va très bien, précise Michel Cicurel, mais aujourd'hui nous ne savons pas si l'accord va se concrétiser. »
Papazian, Carole
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