JAPON RÉVISIONNISME
Les prises de position révisionnistes de l'ancien chef des forces aériennes d'autodéfense embarrassent le gouvernement japonais. Le 11 novembre, le général à la retraite Toshio Tamogami (PHOTO) s'expliquait, devant la commission de la défense de la Chambre haute, sur son essai intitulé Le Japon est-il un pays agresseur ?. Dans ce texte, il nie que l'Archipel a mené une guerre d'agression en Asie dans les années 1930 et soutient que la Chine et la Corée ont connu la prospérité sous la domination de l'Empire nippon. Il prétend que la guerre contre les Etats-Unis a commencé à cause du président américain Roosevelt, qui, selon lui, était manipulé par le Komintern.
Le général évoque aussi le rôle actuel des Forces d'autodéfense (FAD, l'armée), au moment où le gouvernement souhaite le prolongement de leur mission dans l'océan Indien, en appui de la lutte antiterroriste. L'essai critique l'interprétation de la Constitution qui interdit l'usage des armes hors de l'Archipel et le droit à l'autodéfense collective.
Rendu public le 31 octobre, ce texte a suscité de vives réactions. " Même s'il exprime des opinions personnelles, cela n'est pas approprié ", a déclaré le premier ministre, Taro Aso. Le même jour, le général Tamogami était mis d'office à la retraite.
Devant la Chambre haute, l'officier a campé sur ses positions. " J'ai été viré pour avoir écrit que le Japon est un pays de bonne volonté, a-t-il affirmé. C'est un peu étrange. " Il a appelé à une révision de la Constitution.
Entre-temps, une enquête a révélé que le général déchu avait exprimé des opinions similaires en mai 2007 dans un document à diffusion interne. " Le contenu - de l'essai - n'a pas été vérifié ", a reconnu le ministre de la défense, Yasukazu Hamada. Les investigations révèlent que l'essai a été rédigé pour un concours lancé par le promoteur immobilier Apa. Deux cent trente-cinq militaires ont planché sur le thème " Une vraie perspective historique moderne ". Le nombre élevé des participants laisse à penser qu'il existe au sein des FAD un courant de glorification du comportement du Japon d'avant 1945.
La Chine et la Corée du Sud, avec qui le Japon doit tenir un sommet le 14 décembre, ont réagi. Pékin a fait part du " choc et de la colère " du peuple chinois. Séoul a appelé Tokyo à " se repentir pour ses mauvaises actions et à en tirer les leçons ".
Se pose aussi la question de la sincérité du gouvernement dans son adhésion à la déclaration de 1995 du chef de gouvernement de l'époque, Tomiichi Murayama, qui reconnaissait que le Japon a causé de grandes souffrances aux pays d'Asie par " ses agressions et sa domination coloniale ". Les premiers ministres successifs, y compris le très conservateur Taro Aso, ont tous soutenu ce texte, sans forcément convaincre. Quant au général Tamogami, il y voit un " outil qui limite la liberté d'expression ".
Philippe Mesmer
PHOTO - AFP/Getty Image - 11 novembre 2008 - Toshio Tamogami
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