Trois question à ISABELLE SOURBÈS-VERGER - CHERCHEUSE AU CNRS (*)
La politique spatiale chinoise repose-t-elle uniquement sur la recherche de prestige ?
Dans toute politique spatiale, il y a deux volets : le prestige et les applications. Dans le cas de la Chine, contrairement à ce que l'on pense communément, la priorité affichée depuis le début du programme spatial porte sur les applications. Le souci de reconnaissance internationale est bien présent mais surtout afin de montrer que la Chine comble son retard par rapport aux pays développés. Le problème est que le spatial nécessite une base technologique importante (lanceurs, satellites, stations au sol) qu'il a fallu entièrement construire. Or, contrairement à l'Inde, qui bénéficie de transferts de technologies, le pays est isolé et a dû tout développer par lui-même, si bien que ses performances sont restées limitées. En 1992, la décision de se lancer dans les vols habités grâce à l'acquisition de capacités russes est venue brouiller le message. Les Occidentaux ont vu dans le vol des « taïkonautes » une démonstration de prestige, alors qu'il ne s'agit que d'un objectif parmi d'autres.
Les Chinois ont-ils comblé leur écart technologique par rapport aux Occidentaux ?
Oui, pour ce qui est des technologies de base pour la fabrication des lanceurs, des satellites ou des sondes lunaires. Mais les Chinois sont très en retard en matière de sophistication. Plusieurs pays peuvent concevoir des systèmes d'observation de la Terre avec une résolution de 1 à 3 mètres. Pas eux. Les Chinois ont vendu 2 satellites de télécommunications au Nigeria et au Venezuela. Mais il s'agit de satellites peu complexes. Quand ils ont besoin de débits importants, ils achètent aux Occidentaux.
Quelle position l'Europe doit-elle adopter vis-à-vis de la Chine ?
La situation est vraiment délicate. Soit on met la Chine de côté, au risque qu'elle garde sa pleine liberté technologique, avec tous les transferts possibles à qui elle souhaite, soit on l'associe dans des programmes communs, en la rendant dépendante. Mais comme le marché international est relativement étroit, la Chine sera inévitablement un concurrent. C'est pourquoi, aujourd'hui, il n'y a pas de politique clairement définie. L'Europe se montre plus ouverte que les Etats-Unis mais agit au coup par coup, partagée entre sa volonté de commercialisation et sa méfiance.
PROPOS RECUEILLIS PAR A. R.
Note(s) :
(*) Auteur avec Denis Borel, ingénieur consultant, du livre « Un empire très céleste, la Chine à la conquête de l'espace » (éditions Dunod).
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