Dans l'esprit du président américain, George Bush, du président chinois, Hu Jintao, du premier ministre britannique, Gordon Brown, ou du président français, Nicolas Sarkozy, le sommet du G20 doit décider, samedi 15 novembre à Washington, des réformes de la finance mondiale nécessaires pour éviter que se reproduisent la crise financière et la récession planétaire qui en résulte.
A la veille de la réunion, l'éventualité de résolutions spectaculaires semble s'éloigner, comme l'a déclaré le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, qui n'attend " pas grand-chose - du G20 - , même s'il est prometteur ". Car l'absence du futur président américain, Barack Obama, représenté par Madeleine Albright, ancienne secrétaire d'Etat, et les arrière-pensées des participants compliqueront les prises de décisions.
Les participants. Créé en 1999 après les crises asiatique et russe, le G2O associe les pays industrialisés du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) - auxquels se joint l'Union européenne - avec les principaux pays émergents : Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie et Turquie. Le G20 représente 85 % de la richesse et les deux tiers de la population du monde.
Les attentes. Les Européens sont unis pour réclamer un renforcement de la surveillance de la finance. Ainsi les agences de notation sont-elles dans le collimateur, mais la liste est longue des autres durcissements souhaités de ce côté de l'Atlantique : extension de la régulation aux hedges funds (fonds spéculatifs), aux résultats hors bilan et aux assurances ; transparence des paradis fiscaux où les deux tiers des hedge funds et deux millions de sociétés-écran gérant 10 000 milliards de dollars (7 900 milliards d'euros) sont installés, selon l'ONG Transparency International ; modifications de normes comptables qui aggravent les emballements comme les dépressions ; révision des rémunérations pour qu'elles ne poussent plus à prendre des risques inconsidérés ; surveillance de la titrisation, pratique bancaire qui consiste à revendre des prêts sous la forme d'actifs complexes et peu transparents.
Officiellement les Américains sont d'accord, mais ils redoutent que ces mécanismes ne paralysent la sphère financière. M. Bush a donc répété à plusieurs de ses visiteurs qu'il ne voulait pas d'un superviseur unique, mondial et puissant.
Les pays émergents, eux, sont désireux de jouir d'un poids politique accru, au Fonds monétaire international (FMI), à la Banque mondiale, au Forum de stabilité financière (FSF) ou à la Banque des règlements internationaux (BRI). La Chine et les pays du Golfe n'entendent pas apporter des milliards de dollars sans obtenir des droits de vote supplémentaires. Le problème est qu'au FMI, les déplacements de ces droits d'un pays à l'autre en fonction de leur poids économique respectif ont été jusqu'à présent infinitésimaux. Pour rééquilibrer vraiment la donne, il faudrait, par exemple, que les pays de l'Union européenne (un tiers des droits de vote) acceptent de ne compter que pour un seul pays : cette abnégation semble utopique. Les Américains et les Européens sont seulement prêts à abandonner l'usage qui réserve aux premiers la présidence de la Banque mondiale et aux seconds la direction générale du FMI.
Les débats. Les discussions au G20 vont tourner autour de deux thèmes. D'abord, faut-il une gouvernance économique mondiale ? Là encore, la réponse américaine promet d'être négative.
Ensuite, à qui revient la responsabilité de l'élaboration des nouvelles régulations de la finance mondiale et la surveillance de leur application ? Les chefs d'Etat ou de gouvernement soutiendront que cela relève des pouvoirs politiques et donc que le FMI doit devenir la pièce maîtresse du dispositif. Les banquiers centraux, qui se défient des politiques, revendiqueront pour eux-mêmes les nouveaux contrôles.
Les résultats prévisibles. Selon de nombreux membres, le G20 pourrait confier à un groupe de travail la mission de préparer une nouvelle réunion dans quelques mois, le temps que M. Obama se soit installé à la Maison Blanche, le 20 janvier. Un " Bretton Woods II " demande un peu de temps.
Le FMI se verrait attribuer de nouvelles ressources pour secourir les pays en difficulté, au-delà de ses 250 milliards de dollars disponibles. Le Japon arrive à Washington avec une promesse de prêt de 100 milliards de dollars et M. Brown, qui vient de faire la quête auprès de la Chine et des pétromonarchies, escompte d'autres renforts. Enfin, le G20 pourrait explicitement investir le FMI d'une mission d'alarme et de prévention des crises.
Ni le grand public ni les marchés ne s'enthousiasmeront pour des résultats aussi techniques et abscons. Il est donc vraisemblable que les participants exploreront les moyens de relancer l'économie mondiale. Applaudissements garantis pour les plans de relance chinois (455 milliards d'euros) et japonais (207 milliards d'euros). Iront-ils plus loin qu'un appel à coordonner de tels efforts pour qu'ils soient efficaces et qu'ils ne portent pas atteinte à la libre concurrence ?
Alain Faujas
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