Il y a trente ans, Deng Xiaoping lançait la « politique d'ouverture ». Ces trente ans ont changé la Chine et n'ont pas fini de changer le monde. Pendant une génération, ce pays-continent a connu une croissance supérieure à 9 % par an. Illustration entre mille de ce que signifie ce chiffre : en 1980, les Chinois jouaient aux cartes le soir sur l'unique route reliant l'aéroport de Pékin à la ville. Le trafic était sporadique, l'électricité absente des maisons et seul cet axe était éclairé. Aujourd'hui, la capitale compte six boulevards périphériques et les embouteillages sont légendaires.
La Chine est fière du chemin parcouru et le fait savoir. La formidable métamorphose du pays est célébrée partout en grande pompe. En trente ans, selon les Nations unies, les Chinois ont gagné sept ans et demi d'espérance de vie, la mortalité infantile a baissé de 40 % et la pauvreté en milieu rural a chuté de 95 %.
Cessons un instant de ne regarder ce pays qu'à travers le prisme des droits de l'homme. Non pas que la question soit secondaire - elle est centrale. La Chine, c'est entendu, n'est pas une démocratie politique. Bien sûr, l'élection des dirigeants au suffrage universel n'est pas pour demain. Mais il est faux de prétendre que rien n'a changé non plus sur le front politique en une génératiion. Certes, le régime craint le débat. Mais il préfère le contourner que l'écraser. La presse locale est souvent capable d'une liberté de ton qui n'étonne que ceux qui n'ont de ce pays qu'une vision caricaturale, lointaine.
Depuis le départ de Jiang Zemin, le successeur de Deng, le président Hu Jintao et son Premier ministre, Wen Jiabao, s'efforcent de construire une « société harmonieuse », pour reprendre la phraséologie inimitable du parti. Le chemin est subtil. Il passe par la satisfaction de besoins matériels, mais pas seulement. Par la croissance, mais pas « à tout prix ». Les dirigeants ont aussi compris la nécessité de mener certaines réformes légales, de porter une plus grande attention aux déséquilibres provoqués par une croissance accélérée, de répondre à la montée de mécontentements sociaux qui, pour être isolés, n'en constituent pas moins une menace pour un régime dont la légitimité et la stabilité sont fondées sur sa capacité à assurer le bien-être de la population.
Les leaders chinois sont conscients des défis immenses posés par le ralentissement de la croissance. Ils savent que le pays doit changer de modèle, que 800 millions de Chinois n'ont pas ou peu profité de l'enrichissement des 500 autres millions. Mais, comme Deng il y a trente ans, ils ont une qualité rare : ils savent penser l'avenir.
NICOLAS BARRÉ
© 2008 Les Echos. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire