La maison Baidu est secouée. Le premier moteur de recherche sur internet de Chine, avec 60 % des parts de marché, a subi deux importants revers ces quinze derniers jours, mettant ainsi en péril l'ensemble de son modèle économique et surtout sa réputation.
Li Changqing, avocat chez George Wu & Partners Law Firm, a assuré lundi qu'il allait intenter un procès contre le géant chinois pour abus de position dominante. L'avocat affirme que les internautes se voyaient interdire l'accès à des sites internet qui refusaient de payer pour être intégrés aux résultats des recherches. Il a précisé avoir déposé une première plainte en octobre mais lancera l'action en justice ce mois-ci au nom d'un site internet médical chinois. Baidu a jusqu'alors toujours nié être coupable de ces accusations.
Cette nouvelle survient après la divulgation d'un scandale sur un sujet très sensible en Chine. Lors du week-end du 15 novembre, un reportage d'une chaîne du réseau national CCTV a montré des malades ayant dépensé d'importantes sommes auprès d'entreprises médicales trouvées sur le moteur de Baidu, tous sans être guéris. Un patient a ainsi payé plus de 10.000 yuans (880 euros) à une clinique trouvée sur le site de recherche, sans être soigné. Il a ensuite été soigné à l'hôpital public pour 100 yuans.
Baidu n'y serait pour rien si les entreprises en question n'étaient pas illégales et si elles ne l'avaient pas payé pour être intégrées à ses résultats de recherche. En clair, le groupe chinois est accusé de ne pas vérifier la conformité de ses clients et de privilégier ses revenus financiers à la santé des internautes.
Quelques semaines après les crises du lait pollué à la mélamine, ce reportage a fait grand bruit sur les forums internet et dans les médias chinois. La protection de la santé des Chinois est en effet devenue une obsession, aussi bien pour la population que pour le gouvernement.
Robin Li (au centre de la photo), le patron de Baidu, avait immédiatement réagi en assurant que son groupe réclamait à chaque fois les licences aux entreprises vendant des médicaments, des produits de beauté et de la nourriture biologique et désirant payer pour être intégrées à ses résultats de recherche, bien que cela ne soit pas requis par la loi. « Nous le faisons car cela est important pour nous, nous voulons être une entreprise citoyenne responsable, a-t-il dit. Si je devais spéculer, notre trafic serait négativement affecté sur le court terme. » Depuis, il a expliqué avoir déjà « trouvé et licencié des employés ayant aidé à la fabrication de faux documents pour des fournisseurs sans licence ».
Comme l'explique un acteur étranger du secteur internet en Chine, qui préfère rester anonyme, « cela n'a rien d'étonnant. Lorsque je suis arrivé dans ma société, je me suis aperçu que certains employés étaient payés en sous-main par nos clients pour leur obtenir des tarifs de publicité avantageux de notre part ! Les opérations des employés du secteur sont peu surveillées car les managers sont soit également mêlés à ces magouilles soit ne vérifient jamais les comptes et ne peuvent donc pas s'apercevoir d'une éventuelle anomalie. C'est ce qui a dû se passer chez Baidu. »
La deuxième attaque des utilisateurs a porté sur le flou des résultats des recherches indiqués par Baidu. En effet, alors que ses concurrents font apparaître les résultats sponsorisés dans un encart spécifique, l'entreprise de Robin Li les intègre aux résultats normaux en précisant « publicité » en petits caractères : « Nous pensions que cela était suffisamment clair. Nous sommes cependant en train de travailler sur un meilleur système pour répondre à cette question. »
Reste que la réaction du marché a été très sévère. Le lundi suivant la diffusion du reportage télévisé, l'action de Baidu, cotée au Nasdaq, a chuté de 25 % à 134 dollars, alors qu'elle n'avait perdu « que » 48 % de sa valeur depuis la mi-juillet. Après avoir remonté la pente, elle a de nouveau perdu lundi 14,4 % à 116 dollars.
© Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2008
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