vendredi 5 décembre 2008

RETRANSCRIPTION AUDIO - Rien ne va plus en Chine - Alexandre Adler

France culture - Chroniques internationales, vendredi 5 décembre 2008


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La situation chinoise commence à se dégrader sérieusement. Tout le monde parle de ces fermetures d’entreprises dans la grande région de Canton qui est un peu la plaque sensible de la mondialisation aujourd’hui. Tout le monde parle aussi d’émeutes, de différends qui tournent très vite à l’affrontement avec les forces de l’ordre, dans des dizaines de petits centres, très souvent à l’intérieur du pays que l’on ne connaît pas bien, mais en tout cas la réalité de l’agitation sociale ne fait elle-même aucun doute.
Pourtant, les Chinois n’ont pas fait faute de prendre des mesures pour, petit à petit, s’adapter à la crise énorme qui les frappe et dont ils sont sans doute aujourd’hui les premières victimes. Et, de ce point de vue, la situation de la dette américaine (Barack Obama se prépare à établir un budget qui sera le plus fort en chiffres absolus sinon en pourcentage de toute l’histoire américaine, un trillion et demi de dollars) devant ces besoins de financement américain, qui va acheter la dette américaine qui permet seul de couvrir ce budget, c’est-à-dire des bons du Trésor - ce sont les Chinois bien sûr - la Chine a donc décidé de passer en force.
Elle a, à deux reprises maintenant, dévalué le yuan pour booster ses exportations vers les États-Unis, en particulier par des mesures que l’on jugera artificielles, et elle a décidé également de repartir vers l’exportation avec une grande allure en subventionnant au plus possible toutes ses entreprises et toutes ses lignes de produits. Tout ceci fait évidemment pas très bon effet, mais la situation en Chine est telle, et l’estimation que l’on a de l’instabilité politique qui commence est telle également que la communauté internationales préfère fermer les yeux. Mieux vaut une Chine qui atterrit vers 8 ou 9% de croissance qu’une Chine qui se situe à 7,5% comme aujourd’hui et malgré l’importance de ce chiffre, 7,5% de croissance pour un pays qui vivait sur une moyenne de 11-12%, c’est probablement la perspective d’une instabilité politique majeure. Les colères un peu froides que la Chine pratique par exemple pour cette réception assez anodine du Dalaï-Lama par Nicolas Sarkozy, montre à quel point la tension peut être forte.
Et bien les Américains ont compris qu’il n’y avait pas d’autres moyens pour l’instant que de favoriser les exportations chinoises puisque Hank Paulson, le ministre des finances qui va bientôt quitter son poste, mais qui était rappelons-le auparavant le numéro de 2 de Goldman Sachs, l’architecte de tout le déploiement de Goldman Sachs en Chine, est revenu voir ses amis à Pékin et a décidé de subventionner à hauteur de 100 milliards de dollars, la Chine fournissant la moitié de la note, 100 milliards à son tour, soit 200 milliards de dollars pour les exportations et les courants commerciaux entre les États-Unis et la Chine. Autrement dit : bien sûr, l’Amérique va essayer de profiter un petit peu de la situation pour exporter un peu plus de produits technologiques vers la Chine, mais c’est surtout la Chine qui se trouve ainsi booster par les États-Unis pour réaliser un courant d’exportations suffisant de sorte que ces surplus financiers servent aussi à garantir aux Américains un budget en déséquilibre, un budget en déséquilibre qui pourrait être le starter de toute l’économie mondiale.
Alors, cette histoire a deux leçons. Optimiste : nous sommes tous dans le même bateau. Les Chinois commencent à le comprendre. Pessimiste : nous dépendons aussi des excès financiers des États-Unis, mais beaucoup de la Chine avec des déséquilibres qui s’aggravent dans le temps. Il faudra bien un jour les corriger. Peut-être, un jour quand on sera revenu à la normale.

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