" Désappointé " : le mot de Yu Qingtai, l'ambassadeur de la Chine pour le climat, lâché lors de la conférence des Nations unies qui doit s'achever samedi 13 décembre à Poznan (Pologne), a fait mouche parmi les quelque 9 500 participants. Les discussions s'engluent, risquant de conduire à un texte en retrait sur le " Plan d'action de Bali " adopté en décembre 2007. " Plusieurs pays riches se préparent à échapper à leurs promesses lors du sommet de Copenhague ", a déclaré Yu Qingtai à l'agence Reuters.
La conférence de Copenhague, en décembre 2009, doit décider de la suite du protocole de Kyoto. En cercle restreint, l'expression est moins châtiée : selon un diplomate européen, le délégué chinois a qualifié jeudi soir, durant la séance de négociation, de " déchet " (" garbage ") le projet de texte présenté par la présidence polonaise de la conférence.
La position de la Chine s'exprime d'autant mieux à Poznan que l'Europe et les Etats-Unis y font profil bas. Mais son assurance découle aussi du fait que Pékin peut arguer d'une politique effective contre le changement climatique. Depuis 2005, le gouvernement a adopté plusieurs lois visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre : sur la production industrielle, sur les énergies renouvelables, sur l'efficacité énergétique. Le groupe pour lutter contre le changement climatique est dirigé par le premier ministre lui-même, Wen Jiabao, et a été porté, en 2007, au rang de vice-ministère. L'effort de reforestation se continue.
Les résultats sont là : l'objectif très ambitieux d'améliorer l'efficacité énergétique (4 % par an entre 2006 et 2010) est presque atteint (3,7 % en 2007, 3,5 % annoncés pour 2008) ; des centrales thermiques polluantes ont été fermées (pour une capacité de 14 gigawatts en 2007, soit l'équivalent de quatorze réacteurs nucléaires), ainsi que des aciéries et des cimenteries polluantes ; le parc éolien atteint dix gigawatts. La volonté politique est incontestable, même si elle rencontre des obstacles : " Les objectifs ne sont pas complètement acceptés sur le plan local, observe Li Yan, de Greenpeace Chine. La mission principale des autorités locales est d'atteindre un taux élevé de croissance économique, ce qui concurrence l'objectif d'économiser l'énergie dans l'industrie. "
QUOTA PAR HABITANT
Par l'intermédiaire de ses chercheurs, la Chine introduit aussi sur la table des négociations, quoique non officiellement, des idées nouvelles sur les objectifs de réduction à atteindre par les différents pays. Pan Jiahua, de l'Académie chinoise des sciences sociales, a ainsi présenté, lors d'un atelier à Poznan, une " proposition de budget de carbone ". Le chercheur a calculé le total des émissions de carbone de la planète entre 1900 et 2050, en considérant qu'à ce terme, l'humanité devrait avoir divisé par deux ses émissions par rapport à la situation actuelle. Cela conduit à un quota par habitant de la planète de 2,33 tonnes de CO2. Les pays occidentaux - les Etats-Unis atteignent dans ce calcul 20 tonnes par habitant - devraient transférer une grande quantité de " budget carbone " aux pays du Sud. M. Pan a souligné que son modèle ne favorise pas particulièrement la Chine (dont chaque habitant émet aujourd'hui environ 4 tonnes de CO2 par an), qui se trouve de fait dans une situation où elle doit limiter ses émissions.
" Les pays riches ont pu se développer dans le passé, émettant ainsi beaucoup, commente Hou Yan, du WWF Chine. Mais pouvons-nous consommer autant d'énergie que vous l'avez fait ? Non, parce qu'il n'y a plus assez de place pour davantage de carbone. " La position officielle est ainsi exprimée par le ministre Xie Zhenhua, en séance plénière le 11 décembre : " La Chine continuera ses efforts pour changer son modèle de développement et développer une économie à bas niveau de carbone. " Cela passe par des technologies modernes : pour assumer leur responsabilité historique, les pays développés doivent " soutenir les pays en développement par des ressources financières et du transfert de technologie ". La Chine agit, au Nord de bouger, dit-elle en substance.
Hervé Kempf
PHOTO - Jason Hawkes
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