Un peu plus de six mois après le tremblement de terre qui a fait 70 000 morts et 18 000 disparus dans la province chinoise du Sichuan, la reconstruction tarde dans les villages de montagne situés autour de l'épicentre.
Des enfants jouent dans la cour de l'école de Yujiang Nan. Même s'il ne fait guère plus de 5 °C, ils préfèrent le pâle soleil hivernal à l'intérieur des salles de classe. Les élèves restés à leur pupitre ont gardé leur anorak, leur écharpe et leurs gants, pour ceux qui en possèdent. « Il fait très froid ici car les murs sont en bois, témoigne un professeur, Gong Chang-qing, en tapotant la fine surface derrière son lit. J'ai dormi avec deux épaisses couvertures cette nuit mais cela n'était pas suffisant pour me réchauffer. Et lorsqu'il pleut, le toit en taule est si léger que le bruit des gouttes nous empêche de dormir. »
Ce bénévole devenu professeur de dessin depuis septembre n'est pourtant pas habitué au grand luxe. De 1984 à 1990, il était militaire en charge du sauvetage d'urgence. Il a ensuite ouvert sa boutique de réparation de matériel électrique à Chengdu, la capitale du Sichuan. Dans sa nouvelle chambre, un bureau branlant et des vêtements accrochés à un fil tiré entre deux clous plantés dans le mur. « Mais la situation s'est améliorée, assure-t-il. Il y a peu, nous n'avions pas de cloison pour créer des chambres séparées, les onze professeurs dormaient sur des matelas ici même. »
Le Sichuan se relève lentement du séisme qui l'a frappé le 12 mai. Depuis le bas de la vallée au- dessus de la ville de Pengzhou, les villages préfabriqués occupent tous les espaces libres, souvent des champs ou des terrains industriels inoccupés. Ces nouveaux hameaux sont tous fabriqués sur le même modèle : des murs blanc crème en taule ou en bois et un toit bleu en taule. Dans les zones urbaines, ils ont bien souvent été construits par les entreprises locales - chinoises et étrangères - pour loger leurs employés et disposent régulièrement d'eau courante, de toilettes privatives, parfois de gaz et d'un coin cuisine. Dans les villages de montagne, ils ont été financés par les provinces et leur aménagement se révèle bien plus sommaire.
La pièce-maison de 13 m2 du responsable Xu, comme il est surnommé, se compose d'un lit, d'une télévision récupérée dans une maison détruite, d'une armoire en plastique et d'une étagère. Un autocuiseur de riz repose par terre à côté de quelques légumes. Ni robinet, ni toilettes, ni chauffage. « J'ai tout perdu pendant le tremblement de terre, raconte-t-il. Je n'ai pu sauver que les deux manteaux qui sont accrochés derrière moi et le couvre-lit. L'aide du gouvernement de 10 yuans (1,15 €) et de 500 g de riz par jour, s'est arrêtée au bout de trois mois. Je vais donc me remettre à l'agriculture. J'ai de la chance car cela va m'assurer un revenu ou au moins de quoi manger. » Devant lui, des ouvriers, un casque rouge vissé sur la tête, payés entre 40 et 60 yuans par jour, s'affairent autour d'un tas de briques ocre. Des soubassements de maisons sont déjà sortis du sol.
En remontant un peu plus haut dans la vallée vers le village de Longmenshan, des structures de maisons en bois apparaissent sur le bord de la route. Des ouvriers marchent sur le toit de tuiles de l'une d'entre elles. « Le gouvernement nous donne 30 m2 au sol par personne pour notre future maison », explique Yang Zhaihong, 56 ans. Le concept d'assurance étant encore très peu développé en Chine, aucune habitation n'était assurée et les sinistrés dépendent tous du soutien de leur gouvernement provincial pour se reloger. « Comme nous sommes trois, nous avons donc le droit à 120 m2. J'avais le choix entre laisser le gouvernement tout construire ou prendre 16 000 yuans (1 840 €) plus 8 000 yuans (920 €) par personne et le construire moi-même. Même si l'ensemble va me coûter 80 000 yuans, soit le double de l'aide gouvernementale, je préfère m'en occuper, cela va bien plus vite. »
L'arrivée à Longmenshan, à 10 kilomètres à vol d'oiseau de l'épicentre du séisme, se révèle bien plus sinistre. Si le rez-de-chaussée de quelques immeubles est occupé par des commerces, tous sont fissurés et plus aucun ne possède de vitre. Leurs occupants se sont réfugiés dans les trois parcs de logements préfabriqués aux abords de la rue principale. « Le village était prospère avant le séisme, se souvient Zhao Yan, directeur de la clinique privée. Chaque année, 100 000 touristes visitaient Longmenshan et l'économie locale tournait autour d'eux. Aujourd'hui, il ne reste plus que 5 000 des 15 000 habitants. Mille sont morts pendant le séisme et 9 000 sont partis chercher du travail ailleurs. » Zhao Yan était un notable du village. Sa clinique s'est effondrée le 12 mai et elle n'est aujourd'hui composée que de logements de taule.
Dans le parc de préfabriqués, l'atmosphère est pour le moins tendue. « Le gouvernement du Fujian (1) a tout financé ici, mais notre gouvernement du Sichuan n'a rien fait ! s'énerve une vieille dame. J'ai dû installer mon gaz moi-même car les fonctionnaires ne voulaient pas le faire ! » Une femme de 26 ans poursuit : « Je pourrais peut-être trouver du travail en ville, mais je suis obligée de rester ici pour surveiller l'évolution des décisions de la circonscription de Pengzhou. Personne ne nous a encore dit ce qu'il allait advenir de nous. »
Plusieurs autres habitants approchent : « Nous ne voulons pas que nos anciens immeubles soient détruits, car nous n'avons pas reçu l'assurance de recevoir une compensation, explique un vieil homme. Or, ces immeubles représentent la preuve concrète que nous étions propriétaires avant le séisme. Personne n'est venu nous voir pour recenser nos biens. Du coup, les travaux n'ont pas commencé et ne commenceront pas tant que les autorités de Pengzhou refuseront de s'occuper de nous. »
Tristan de BOURBON
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