jeudi 8 janvier 2009

AUDIO - La relation Chine-États-Unis - Alexandre Adler

Chronique internationale - mercredi 7 janvier 2009

tilidom.com

Il ne faudrait pas en raison de la gravité de la crise que traverse le Moyen-Orient, oublier que dans ce début d’année une relation probablement l’emporte sur toutes les autres : c’est la relation Chine-États-Unis.

C’est une relation complexe parce qu’elle comporte un volet politique, même un volet stratégique et militaire, mais surtout elle s’est établie sur le plan économique. Et voici en gros ce que l’on peut dire : du maintien d’une croissance chinoise suffisante, dépend l’approfondissement ou au contraire la sortie de la crise pour une raison toute simple. Le jour où l’économie chinoise n’est plus en mesure de subventionner les déficits américains, nous aurons une chute spectaculaire du dollar. Si le dollar chute spectaculairement, nous aurons tout à la fois un passage automatique dans le rouge de toutes les banques chinoises dont les réserves sont en dollar et dont les gains sont également en dollar, mais dans le même temps, nous aurons cette crise financière asiatique. Nous aurons une envolée vers le haut [sic] de l’euro et des monnaies refuges, et à ce moment-là, l’Europe ne pourra plus exporter même un paquet de cigarettes.

Donc, c’est une situation qui est plus dramatique que l’on ne l’imagine – bien sûr, j’ai pris des positions extrêmes – mais, en gros, on a compris. Les États-Unis ont besoin de maintenir leur niveau de « péché » actuel. Je dis « péché », c’est-à-dire, des déficits publics immenses qui sont financés par une Chine et des pays asiatiques qui trouvent l’avantage de stabiliser leur monnaie vers le bas. C’est-à-dire de jouer en fait une stimulation artificielle à leurs exportations.

Alors, c’est un peu comme les drogués. Il faut sortir de cette situation qui est depuis longtemps dénoncée par de grands économistes comme un cercle vicieux. Mais, on n’en sort pas d’un coup. C’est un peu comme la méthadone. Il va falloir administrer aussi bien aux Chinois qu’aux Américains des cures progressives. Pour l’instant, il n’est pas question que les Américains augmentent les impôts. On a besoin que les Américains consomment. Il n’est pas question que les sociétés renoncent à investir. Donc, le déficit sera maximal. Et seuls, les pays asiatiques en général peuvent couvrir cette note. C’est-à-dire, acheter des bons du trésor américain à des prix, et grâce à cela, maintenir l’équilibre général. Évidemment, c’est un aspect difficile, et c’est la raison pour laquelle, Américains et Chinois ont besoin de se parler au jour le jour et comprennent les enjeux, mais tout n’est pas simple.

En particulier, les Chinois ont bien besoin de relancer leur marché intérieur, mais c’est la même chose que les péchés américains. Ils ont pour l’instant besoin d’exporter à peu près au niveau de ce qu’ils ont fait l’année dernière, et c’est très difficile. Donc, entre Pékin et Washington, il y a une espèce de fuite en avant commune. Les deux forçats ont le même boulet au pied. Il faut qu’ils agissent avec beaucoup de souplesse et beaucoup d’intelligence politique.

Dernière remarque, le socialisme continue d’avancer à grand pas, parce que après le financement de l’économie par un secteur bancaire nationalisé, après la nationalisation de type Renault, Volkswagen, du secteur automobile américain, voici que l’on revient sur le taux de change fixe – pas tout à fait. Car si le taux de change était fixé comme il l’était à Bretton Woods, les banques devraient subir des réserves absolument insupportables qui paralyseraient la croissance. Mais, quand même, on se rapproche de l’idée que le rapport entre le yuan, la monnaie chinoise, le dollar et l’euro, ne devrait pas changer au jour le jour, mais atteindre des parités presque fixes. Nous sommes vraiment dans une autre période de l’Histoire.

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