vendredi 23 janvier 2009

HISTOIRE - En 1959, le régime réprimait l'insurrection - Pascale Nivelle

Libération, no. 8619 - Monde, jeudi, 22 janvier 2009, p. 11

«L'émancipation des serfs tibétains» fêtée

Le 28 mars, anniversaire de l'écrasement de la rébellion tibétaine par l'armée chinoise en 1959, devient un jour de fête au Tibet. Une journée annuelle de «L'émancipation des serfs» vient d'être décrétée par le parlement local, à l'approche d'un cinquantième anniversaire qui s'annonce mouvementé dans la «région autonome du Tibet». Selon l'agence Chine nouvelle, les 382 députés ont voté l'initiative à l'unanimité lundi. «Les masses populaires se sont ensuite réunies spontanément sur les places, se souvenant du passé amer et chantant pour la nouvelle vie», ajoute l'agence officielle, citant un certain Yongzhen, habitant de Lhassa : «Nous sommes réunis aujourd'hui pour célébrer ensemble la journée de l'émancipation, en souhaitant une patrie de plus en plus puissante et prospère.»

Dans le jargon du Parti communiste chinois (PCC), cette date marque la libération d'un million d'esclaves, 90 % de la population du Tibet selon eux, alors sous le joug du régime féodal du dalaï-lama. Le 28 mars, peu après la fuite du chef spirituel bouddhiste avec un carré de fidèles en Inde, le PCC avait annoncé la dissolution du gouvernement du Tibet, décrétant la constitution de la «région autonome du Tibet», et mettant fin à «sept siècles de féodalité». Depuis, le dalaï-lama est régulièrement désigné par le régime de Pékin comme un «loup séparatiste dans une robe de bure», à la tête d'une «clique». L'indépendance du Tibet est une des obsessions de Pékin, avec celle de Taiwan et du Turkestan oriental, dans la province du Xinjiang.

«Une menace majeure pour l'unité de notre nation», a répété hier un responsable militaire chinois, assurant qu'il n'y aurait «aucun compromis, ni tolérance» de la part de l'Armée populaire chargée de «la tâche sacrée de sauvegarder la souveraineté, la sécurité et l'intégrité territoriale». En mars dernier, pour le quarante-neuvième anniversaire de la répression, des manifestations pacifiques avaient dégénéré dans plusieurs villes de la région himalayenne, faisant, selon les Tibétains en exil, environ 200 morts et 1 000 blessés. Pékin reconnaît 21 victimes, tuées par les émeutiers. La région est depuis sous haute surveillance policière. Les «campagnes d'éducation patriotique» ont été renforcées, et la région autonome reste fermée à la presse étrangère.

Pour le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala, le 28 mars est l'anniversaire d'une tragédie. Entre mars et octobre 1959, la répression chinoise avait fait, selon eux, quelque 87 000 morts. Lundi, Sonam Dagpo, secrétaire aux Relations internationales du gouvernement en exil, a protesté à l'annonce de la nouvelle journée d'«émancipation des serfs» : «Si les Tibétains étaient vraiment des esclaves, pourquoi leurs descendants se battent-ils pour la liberté aujourd'hui ?»

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