PÉKIN CORRESPONDANCE - Le projet de détournement des eaux du Yangzi du sud au nord, ou « Nan Shui Bei Diao », censé apporter de l'eau à Pékin et à sa région, ne fait pas l'unanimité dans les provinces du centre de la Chine, dont le réseau hydrographique va être ponctionné au profit de la capitale. Fin décembre, la presse du Hubei se faisait l'écho de préoccupations des autorités : « L'achèvement de la voie centrale devra être retardé de quatre ans pour limiter les risques écologiques et d'impact environnemental du projet », a déclaré Wang Fenyu, un des officiels locaux impliqués dans le projet au Changjiang Shangbao, un journal de Wuhan.
Cette étape majeure du Nan Shui Bei Diao, qui comporte deux autres dérivations (à l'est, le long de l'ancien Grand Canal, déjà en cours, et à l'ouest, sur les contreforts du Tibet, où les travaux n'ont pas encore commencé), devait être achevée en 2010, une date qui paraît irréaliste. La voie centrale en question est celle qui doit acheminer de l'eau du barrage de Danjiangkou, qui doit être rehaussé sur la rivière Han, un affluent du Yangzi, dans le Hubei, jusqu'à Pékin, via le Henan puis le Hebei.
Un premier tronçon de près de 300 km est entré en service en septembre 2008 et doit fournir à Pékin, d'ici à mars, quelque 300 millions de mètres cubes d'eau supplémentaire en provenance des réservoirs du Hebei, la province autour de Pékin, également insuffisante en eau. Mais ce sont surtout les 960 km de canal restant à aménager qui posent problème : au Henan, province surpeuplée et très pauvre, où 211 000 personnes censées déménager sont encore sur le tracé du canal. Selon Guo Quiming, le directeur adjoint du bureau de relocation du Henan cité par dans un rapport du China Economic Weekly début décembre, déplacer autant de personnes en cinq ans reste « un énorme défi ».
Dans le Hubei, les préoccupations sont surtout écologiques : d'après un responsable local du bureau de l'environnement cité dans la presse de Wuhan, le projet va, en réduisant le débit de la rivière Han, aggraver « les problèmes très sérieux de qualité de l'eau » et ne pourra se faire que « si le Hubei construit davantage d'usines de retraitement de l'eau ». Plusieurs études récentes signalent les dangers du projet dans l'état actuel d'équipement, car il risque de multiplier les marées vertes, cette prolifération d'algues malodorantes qui empoisonnent fréquemment les fleuves en Chine.
La rivière Han est l'une des plus polluées de Chine : selon la Banque mondiale, qui a débloqué des fonds en avril 2008 pour un projet d'usine d'épuration des eaux, le taux de traitement des eaux usées en milieu urbain est inférieur à la moyenne provinciale de... 23,5 %.
Les craintes des provinces n'ont pas encore conduit à une révision officielle du projet : le 15 décembre, l'agence Chine nouvelle annonçait « une accélération du Nan Shui Bei Diao », à la suite du déblocage anticipé des fonds qui lui sont alloués dans le cadre du plan de relance décidé par la Chine en novembre 2008.
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