lundi 19 janvier 2009

Le transport aérien chinois est encore instable

Les Echos, no. 20344 - Dossier transports, lundi, 19 janvier 2009, p. 27

Chacune des trois alliances a intégré une ou plusieurs compagnies chinoises. Mais la réorganisation du ciel chinois et la fragilité de ses compagnies pourraient chahuter ce paysage encore mouvant.

La Chine représente un marché de 200 millions de passagers.

Les alliances aériennes sont aux petits soins pour les compagnies chinoises. Difficile en effet de faire l'impasse sur un marché de 200 millions de passagers. Plusieurs dizaines de transporteurs, souvent régionaux, se partagent cet énorme gâteau. Quatre jouent un rôle majeur sur l'échiquier international et attisent toutes les convoitises. Les jeux sont désormais presque faits, mais pas figés.

C'est Oneworld (British Airways, American Airlines) qui a dégainé la première avec, dès 1999, l'intégration logique de Cathay Pacific (23 millions de passagers). Un joli avantage concurrentiel, du fait de la puissance du hub de l'île de Hong Kong. La compagnie qui n'avait qu'un accès limité au marché continental chinois s'est rattrapée en rachetant Dragonair en 2006, ce qui lui permet de proposer plus de 20 villes chinoises en correspondance. « Nous entendons conserver cette marque forte et nous appuyer sur sa flotte pour améliorer notre maillage », explique Nicolas Massé, directeur communication et marketing.

Amélioration qualitative

SkyTeam (Air France-KLM, Delta...) a réagi en novembre 2007 en accueillant dans ses rangs China Southern, basée à Guanzhou (Canton). Il aura fallu trois ans de négociations et de mise en conformité pour rendre possible cette adhésion de la première compagnie chinoise, affichant 56 millions de passagers en 2007 (davantage qu'Air France). Reste que, même si China Southern entend se développer à l'international, son marché domestique représente encore 85 % de son trafic. Ce sont ses connexions vers 65 villes chinoises qui ont séduit Air France et ses partenaires.

Quelques jours plus tard, Star Alliance (Lufthansa, United...) répliquait, en accueillant dans ses rangs Air China et Shanghai Airlines. La seconde, créée en 1985 sous statut privé, vole pour l'essentiel en Asie (8 millions de passagers). En revanche, Air China a fortement déployé ses ailes dans le monde (35 millions de passagers, dont 10 à l'international) grâce à son puissant hub de Pékin. Reste China Eastern (39 millions de passagers). La compagnie, un temps annoncée comme partenaire probable de SkyTeam, avait même mis en place un accord de « code share » avec Air France, stoppé net l'été dernier. Sa mauvaise santé financière remet aujourd'hui en cause toute affiliation à une alliance à court terme, même si toutes ont les yeux de Chimène pour son hub de Shanghai.

L'intégration des compagnies chinoises dans les alliances leur a incontestablement permis d'améliorer leurs standards de qualité. « Nous avons vu une énorme évolution d'Air China à la suite de son adhésion à Star », déclarait Jaan Albrecht, responsable de l'alliance, en décembre dernier. Comme la suppression de la nécessité pour les passagers en transit en Chine de revérifier leurs bagages. Elle a également été bénéfique en termes financiers, « avec un apport de recettes de 146 millions de dollars en 2008. Dans le climat actuel, une alliance est une solution supplémentaire pour mieux passer l'hiver économique », assure Zhang Lan, vice-présidente d'Air China.

L'impact de la crise

Pour autant, le processus est souvent long et difficile. Ainsi, les voyageurs français ne tirent pour l'heure que peu de bénéfices de l'arrivée de China Southern dans SkyTeam. Car la compagnie vole uniquement entre Paris et Canton, un héritage du partage du ciel chinois (Air China volant depuis Pékin et China Eastern depuis Shanghai). Or, le trafic entre Canton et la France ne représente que 7 % du trafic France-Chine. Et le sud de la Chine est également accessible via Hong Kong avec Cathay Pacific. « Nous aimerions obtenir les droits de trafic pour Paris-Pékin, mais ce n'est pas à l'ordre du jour », précise Haibo Chai, directeur général France de China Southern, qui regrette la « prudence » de sa partenaire Air France alors que KLM a mis en place un véritable joint-venture avec la compagnie chinoise. Ce n'est que l'été prochain qu'Air France et China Southern mettront en place des vols en « code share » au-delà de leurs hubs respectifs de Roissy et de Canton. Quant aux programmes de fidélisation, ils ne sont totalement compatibles que depuis quelques semaines !

La crise actuelle pourrait toutefois modifier ce fragile équilibre. Près de 70 % des transporteurs chinois sont en effet dans le rouge selon les chiffres officiels, à commencer par les leaders. Air China, China Eastern et China Southern auraient perdu 470 millions d'euros entre janvier et octobre 2008 et la Civil Aviation Administration of China leur a conseillé de freiner leurs commandes d'avions, tout en prédisant une année 2009 difficile, sur fond de baisse du trafic. Une rumeur, démentie pour l'heure, a déjà fait état d'une fusion entre Shanghai Airlines et China Eastern, après que le rachat d'une partie du capital de cette dernière par Singapore Airlines. Des rapprochements ou faillites ne sont donc pas à exclure qui pourraient rebattre les cartes...

T. B.

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