A l'approche du 50e anniversaire de la fuite du dalaï-lama, qui prit la route de son exil indien le 10 mars 1959 après un soulèvement antichinois dans Lhassa, les autorités de Pékin ont entrepris de boucler à nouveau les zones tibétaines.
Répondant aux inquiétudes du dalaï-lama qui, lors d'un passage en Allemagne, le 11 février, avait déclaré que des " explosions de violence peuvent survenir à tout moment au Tibet ", la porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Jiang Yu, a déclaré, jeudi 12 février, que " la situation est stable " dans la région.
Pour Pékin, il s'agit d'empêcher que cet anniversaire des plus sensibles ne fournisse un prétexte à de nouvelles émeutes, comme cela avait été le cas en 2008 lorsque, le 14 mars, des manifestations de Tibétains dégénérèrent en violences antichinoises dans Lhassa. Il s'agit également, pour le pouvoir, de veiller à ce que les journalistes étrangers n'approchent pas du Tibet et des régions avoisinantes.
De grandes parties des districts ou préfectures de peuplement tibétain des provinces du Gansu, du Sichuan et du Qinghai ont ainsi été déclarées zones interdites aux étrangers, rapporte l'agence Associated Press (AP), citant des autorités locales. Récemment, une équipe de télévision française d'Hikari Productions, basée à Pékin, a été raccompagnée manu militari en voiture de police alors qu'elle venait d'arriver dans la ville de Xiahe, où se situe le grand monastère de Labrang, et qui fut, l'année dernière, le théâtre d'une manifestation de Tibétains. L'agence AP cite un officiel du bureau du tourisme de la " préfecture autonome de Gannan ", au Gansu, précisant que la région sera fermée aux étrangers jusqu'à la fin mars.
Le Tibet proprement dit, la " Région autonome du Tibet ", est quasiment interdit en permanence pour la presse étrangère, à l'exception, comme cela a été le cas cette semaine, de voyages encadrés.
Questionnée sur les difficultés faites aux journalistes, Mme Jiang a admis : " il est exact qu'il est désormais plus difficile pour certains journalistes de se rendre au Tibet ", ajoutant " mais cela n'est pas de notre faute et c'est une situation qui ne nous plaît pas "...
Un correspondant de l'agence Reuters, qui faisait partie du voyage organisé à Lhassa, raconte que pour de nombreux résidents han (ethnie chinoise) ou hui, une ethnie musulmane nombreuse au Tibet, la vie à Lhassa est de plus en plus difficile. Depuis les violences de l'année dernière, le tourisme a plongé et le commerce s'en est ressenti.
Au point que de nombreux migrants établis sur place songent désormais à quitter la ville. " Je ne peux pas oublier ce qui s'est passé l'année dernière quand les Tibétains ont attaqué des Han et je vais partir ", a déclaré au journaliste de Reuters un commerçant chinois.
L'agence de presse chinoise Xinhua (" Chine nouvelle ") a, de son côté, annoncé, 11 février, que 76 personnes accusées d'avoir participé aux émeutes de mars 2008 ont été condamnées à des peines de prison, sans en préciser la durée. En novembre dernier, les autorités avaient déclaré que 55 personnes avaient fait l'objet de peines variant de trois ans à la détention à perpétuité pour " vols, destructions et atteintes à l'ordre public " lors des violences du 14 mars.
Selon les autorités, 19 personnes ont été tuées durant les troubles. Chiffre contesté par les informations émanant des cercles du gouvernement tibétain en exil en Inde, pour qui le nombre de moines, de nonnes et de laïcs tibétains morts durant la répression est bien supérieur.
Lors d'une conférence de presse à Lhassa, le 10 février, un haut responsable du parti communiste pour la " région autonome ", Nyima Tsering, n'avait pas donné de détails sur les dernières condamnations, mais avait estimé que le gouvernement s'était montré magnanime à l'égard d'un grand nombre parmi les 950 personnes arrêtées à la suite des émeutes : " nous avons veillé à rester très modérés ", a-t-il déclaré.
Les médias locaux ont, pour leur part, annoncé que, depuis décembre, des dizaines de personnes ont, de nouveau, été arrêtées pour " avoir soutenu la cause indépendantiste, répandu des rumeurs et fomenté des troubles ".
Bruno Philip
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