Panda Sex de Mian Mian / Traduit du chinois par Sylvie Gentil, Au Diable Vauvert, 196 p., 17 Euros.
Une impression de rêve éveillé saisit le lecteur dès les premières pages du second roman traduit en français de Mian Mian : les couleurs sont affadies, les noirs et les blancs l'emportent, les images tremblent. Quand on se rapproche, les silhouettes sont incertaines, les paroles se répètent. Si on pouvait lire Les Les bonbons chinois (L'Olivier, 2001) comme le premier roman de la nuit chinoise, Panda Sex s'ouvre sur une atmosphère plus floue de fin de nuit. Mais dans les flous, la fragmentation, les détails obscurs qui s'agrègent miraculeusement, force est de reconnaître que Mian Mian a du talent. En effet, ce qui tient le lecteur en haleine, ce ne sont pas les anecdotes portées par les personnages qui se croisent dans Shanghaï, c'est la ville elle-même, son drôle de visage fatigué entre chien et loup.
Les bavardages de K., la brève histoire d'amour entre l'étranger et Jie Jie, les confidences de Hong et de Saining ne changent pas beaucoup de ce qu'on avait pu lire avec d'autres mots et d'autres mises en scène dans le premier roman best-seller de Mian Mian. Le choeur des solitudes et des individualismes est toujours bien présent dans Panda sex. Mais ici, le choeur n'est plus cacophonique et brutal, il s'ordonne dans la mélancolie d'une mélodie très maîtrisée des envers de la ville - Shanghaï -, ponctuée de quelques soirées et d'un peu de sexe. Mais au matin, parmi les quelques phrases qui flottent dans l'air lourd d'alcool et de tabac, il y a celle-ci, qui se répète à la suite de K. : " Tu sais ce qu'il manque à Shanghaï ? La mer. "
Rencontrée à Paris en janvier, Mian Mian le confirme d'ailleurs sur le ton de l'évidence : " Mon personnage, c'est Shanghaï. Pour être plus précise, je dirai que c'est mon Shanghaï, le sentiment très fort, très immédiat, très personnel que j'ai de la ville. " En plaisantant, elle confie qu'elle a beaucoup remanié son texte pour la traduction. En Chine et à Hongkong, Panda sex est un livre avec des photos et beaucoup plus de dialogues. On y croise les visages et les paroles rapportées (enregistrées) de plusieurs protagonistes de la nuit shanghaïenne. C'est un collage. " Mais en France, par exemple, cela n'aurait pas eu de sens, poursuit-elle. Je ne pouvais pas mêler de la même façon la réalité et la fiction. C'est pour cette raison que j'ai enlevé les photos et coupé beaucoup de dialogues. Je voulais que mon concept soit plus clair. "
Le " concept " de Mian Mian, ce sont les relations humaines, le chagrin, la solitude, la dépression shanghaïenne - un ensemble de symptômes caractéristique d'une maladie des grandes villes que le texte associe malicieusement aux troubles du désir bien connu des pandas.
Mian Mian l'affirme sans fausse pudeur : " Panda sex est très facile à lire. Ce livre est un miroir qui va permettre à certains lecteurs de se sentir moins seuls. Je voulais les toucher au plus court. Pas question qu'ils perdent leur temps ou qu'ils soient noyés sous une quantité d'informations trop importante. "
Pourtant, à force de jouer du ciseau et du burin, Mian Mian a changé une scène shanghaïenne, peut-être trop naturaliste, en oeuvre d'art moderne, en précipité littéraire de Shanghaï. Facile à lire, ce n'est pas sûr, mais troublant, sans aucun doute.
Nils C. Ahl
Panda Sex de Mian Mian / Traduit du chinois par Sylvie Gentil, Au Diable Vauvert, 196 p., 17 Euros.
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