Les autorités mettent en avant l'amélioration des conditions de vie. Les ONG dénoncent les prisons secrètes du régime et la chasse aux défenseurs des droits de l'homme.
Appelée à défendre son bilan des droits de l'homme devant l'ONU, dans le cadre de l'Examen périodique universel (EPU) auquel elle était soumise pour la première fois, la Chine a désamorcé les critiques des pays occidentaux en brossant un tableau flatteur de ses progrès en matière de développement et en mettant en avant des lois et une Constitution qui, sur le papier, garantissent toutes les libertés.
L'exercice, qui a lieu tous les quatre ans pour les membres de l'Organisation des nations unies, se prête à toutes manoeuvres : rien n'empêche en particulier les pays auditionnés sur les droits de l'homme, d'encourager des pays amis à participer aux débats, au risque de les noyer.
C'est ce qui s'est passé avec la Chine : quelque 60 pays sur les 115 inscrits ont posé des questions... le plus souvent pour féliciter Pékin pour ses succès économiques.
Seuls une dizaine de pays, essentiellement occidentaux, ont épinglé l'ambassadeur de la Chine à l'ONU, Li Baodong, sur la répression au Tibet et au Xinjiang, la peine de mort ou les camps de travail. Ils ont le plus souvent été renvoyés à la lecture des lois chinoises et parfois accusés, comme l'Australie lorsqu'elle a mentionné le Tibet, de « politiser » la question des droits de l'homme.
L'argumentaire chinois, tel qu'il apparaît dans les documents officiels, vise, au nom d'une « vision différente » des droits de l'homme, à relativiser les droits civils et politiques au profit de droits « économiques » dont les progrès sont abondamment détaillés. La Chine est ainsi « le premier pays au monde » à avoir atteint les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés par l'ONU pour réduire la pauvreté, s'est félicité M. Li.
Reconnaissant que la Chine « restait pleinement consciente de ses difficultés en matière de droits de la personne », l'ambassadeur a annoncé, sans en dévoiler les détails, la préparation d' « un nouveau plan d'action pour les droits de l'homme, le premier du genre en Chine ». Il comportera des « objectifs à atteindre [pour] tous les départements de l'administration », a-t-il ajouté.
« Tout cela émane du ministère des affaires étrangères et du bureau d'information du gouvernement », réagit depuis Pékin, l'avocat Li Fangping, joint par téléphone. Me Li fait partie de la nébuleuse d'avocats, de juristes et d'universitaires qui, en menant bataille sans relâche au nom des lois et de la Constitution, nourrissent une société civile chinoise de plus en plus audacieuse. Or, celle-ci se trouve exposée à toute sorte de rétorsions ou de sanctions souvent extra-légales ou abusives.
Dans un rapport rendu public lundi, en même temps que l'EPU, l'organisation non gouvernementale américaine Human Rights In China (HRIC) décrypte les mécanismes qui verrouillent l'application formelle des lois en Chine. C'est le cas par exemple du « système des secrets d'Etat » qui invalident nombre de dispositions légales pour des motifs arbitraires.
Les prisons secrètes sont une autre aberration légale. Quant aux défenseurs des droits chinois, ils sont de plus en plus souvent victimes de dénis de justice. C'est le cas du militant embastillé Hu Jia, du juriste aveugle emprisonné, Cheng Guangcheng, ou encore de l'avocat Gao Zhisheng, porté disparu depuis le 4 février après avoir été enlevé par un commando.
« SÉCURITÉ DE L'ETAT »
Au Tibet, ou au Xinjiang, l'accusation de « mise en danger de la sécurité de l'Etat » est une autre arme, arguent les ONG, pour neutraliser toute contestation sans aucune protection juridique des suspects.
Selon les données officielles chinoises, près de 1 200 personnes ont été condamnées en vertu de cette loi au Xinjiang en 2008, deux fois plus qu'en 2007. « Il y a un paradoxe dans l'attitude du pouvoir. Ouvertement, ils dénoncent les concepts occidentaux de multipartisme et d'indépendance de la justice. Mais ils clament aussi qu'il faut gouverner par les lois, protéger les droits de l'homme et promouvoir la démocratie politique. Ils savent que quelque chose doit changer, mais ils ne s'y décident pas », analyse Teng Biao, un autre avocat mobilisé sur la défense des droits.
« Au vu de ce qui s'est passé ces deux dernières années, je ne crois pas à la possibilité d'une vraie réforme de la justice à court terme. L'indépendance de la justice pourrait remettre en cause le statut du Parti communiste, donc ils ne peuvent la promouvoir », poursuit-il, se disant toutefois confiant que « l'essor de la société civile en Chine est irréversible ».
Brice Pedroletti
PHOTO - Lors de l'Assemblée générale de l'ONU, le 28 septembre 2007. Le ministre des Affaires étrangères, Yang Jiechi. / AFP
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