Les étroites relations commerciales avec Pékin ont amélioré le quotidien des Cubains et les Chinois sont de plus en plus nombreux à découvrir l'île communiste.
LE QUARTIER chinois de La Havane, le Barrio Chino, est très symbolique de la présence chinoise à Cuba, à la fois discrète et imposante. « Les Chinois, il n'y en a pas beaucoup dans le quartier, mais ce sont eux les patrons », explique Vladimir, un livreur mulâtre. L'homme pousse péniblement un chariot de planches vermoulues montées sur des roues en bois. Un touriste chinois photographie à tout-va les façades des échoppes latino-asiatiques de la rue Zanja, dérouté par cette Chine version mojito, sise à deux pas du Capitolio, l'immense réplique du Capitole de Washington.
Une Chinoise, la soixantaine alerte, sort d'un restaurant proche : « Je suis née à Canton. Mes parents sont arrivés à Cuba au début des années 1950. Ils ont par la suite ouvert cet établissement. Depuis quelques années, de plus en plus de touristes chinois viennent ici retrouver leurs racines. » Elle montre les plaques dorées des Sociedad de Recreo, ces innombrables restaurants chinois de la rue Dragones. « Le quartier compte plusieurs milliers d'habitants. À peine 200 sont chinois. Ils sont pour la plupart âgés. Ils sont arrivés avant la Révolution », ajoute la commerçante.
Le Barrio Chino, récemment rénové, n'en est pas moins l'un des endroits les plus dynamiques de La Havane, avec son journal hebdomadaire, le Kwong Wah Po. À l'angle de la rue Cuchillo, un serveur noir rieur hèle les passants : « Vraie cuisine chinoise : mojito, Cuba libre ». Au Tien Fan, où des lanternes rouges illuminent la terrasse, un couple cubain en costume traditionnel chinois vante la cuisine de l'endroit. Le chef est pékinois. Il se plaint : « Je ne gagne pas assez d'argent ici. C'est parfait pour des Cubains, mais pas pour moi. Les affaires demeurent difficiles. »
Des milliers d'autobus Yutong
La Chine est désormais le deuxième partenaire économique de Cuba, après le Venezuela. Entre 2000 et 2007, les échanges entre les deux pays ont quintuplé pour atteindre 2,6 milliards de dollars. Le président chinois s'est rendu à La Havane à la mi-novembre. Principaux artisans de la « révolution de l'énergie » voulue par Fidel Castro pour résoudre l'éternel casse-tête énergétique de l'île, les Vénézuéliens monnaient leur pétrole contre des médecins cubains. Les Chinois acquièrent du nickel et vendent des moyens de transport. La Havane a acheté plusieurs centaines de locomotives et des milliers d'autobus Yutong. Grâce aux Chinois, les Cubains marchent un peu moins depuis deux ans. Pour qui connaît Cuba, c'est presque une révolution, car l'image des produits chinois n'est pas bonne. « Vous savez comment on dit mauvaise qualité en chinois ? Yutong », s'esclaffe ce chauffeur d'autobus, avant de déplorer : « Ces bus sont neufs. Ils bringuebalent et ils sont toujours en panne. » Les Cubains en viennent à regretter les produits soviétiques, dont ils se sont longtemps moqués. Osvaldo, chauffeur de taxi, déclare : « Tout ce que font les Russes est solide, contrairement aux produits chinois qui sont mal finis et qui ne durent que deux ou trois ans. Un camion russe est éternel. »
À l'instar des Vénézuéliens, les Chinois s'intéressent à la médecine cubaine. Dans les bâtiments décrépis de l'École Latinoaméricana Asiatica de Tarara, située à une vingtaine de kilomètres de La Havane, plus de 1 100 étudiants chinois apprennent l'espagnol. Plus d'un millier d'autres jeunes Chinois étudient la médecine ou l'espagnol dans la capitale. Le campus est soigneusement fermé aux étrangers, gardé par des vigiles. Le modèle asiatique séduit les Cubains. Mais si Raul Castro a, par le passé, laissé entrevoir une possible ouverture à la chinoise, la porte s'est depuis refermée sur la tentation pékinoise. À la mi-novembre, le journal du régime, le Granma, a critiqué la Chine, sa « distribution inégale des revenus et la différence marquée entre les villes et les campagnes ».
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