La dépendance du monde entier vis-à-vis du dollar a-t-elle atteint ses limites ? La Chine, premier créancier des Etats-Unis, avec 696,2 milliards de dollars (525 milliards d'euros) en bons du Trésor en décembre 2008, a fait monter d'un cran ses inquiétudes sur la chute du billet vert en les portant sur la scène internationale.
Après que le premier ministre chinois, Wen Jiabao, se fut déclaré, le 13 mars, " inquiet de la sûreté " des actifs chinois, la Banque centrale chinoise a publié, le 23 mars, sur son site Internet une déclaration visant à remettre en cause la suprématie du billet vert. Son gouverneur, Zhou Xiaochuan, explique que la crise a mis en évidence " les faiblesses inhérentes du système monétaire international actuel ", reflété la nécessité d'avoir une monnaie de réserve internationale " déconnectée des nations individuelles ", de leurs enjeux intérieurs, et " capable de rester stable sur le long terme ".
Il est vrai que le dollar a été soumis dernièrement à de fortes pressions. Il avait perdu quasiment 6 % la semaine passée, lorsque la Réserve fédérale américaine (Fed) avait annoncé son intention de racheter pour 300 milliards de dollars de bons du Trésor. Il a repris près de 2,5 % cette semaine, à 1,3290 dollar pour un euro. Les analystes de Crédit suisse déclarent qu'ils ne seraient pas surpris s'il " chutait " jusqu'à 1,45 dollar pour 1 euro.
Selon les analystes de la Commerzbank, " les points que la Chine met en avant sont justes. Les tentatives de la Fed pour stimuler l'inflation (ou au moins combattre la déflation) sont uniquement motivées par des considérations domestiques. Elles sont en opposition avec les intérêts des détenteurs étrangers de dollars ".
Les achats de bons du Trésor par la Fed, qui ont d'ailleurs débuté cette semaine, sont " irresponsables " car ils peuvent affaiblir le dollar, a jugé Li Xiangyang, professeur à la Chinese Academy of Social Sciences, dans le giron de l'Etat.
Pékin a suggéré que les droits de tirage spéciaux (DTS ou SDR en anglais) puissent jouer ce rôle " de monnaie de réserve supra- souveraine ". Créés en 1969, les DTS - leur valeur est liée à un panier de monnaie, incluant le dollar, l'euro, le yen et la livre - servent d'unité de compte au Fonds monétaire international (FMI). Son directeur général, Dominique Strauss-Kahn, a jugé mercredi que " la discussion sur la nouvelle monnaie est absolument légitime ; elle aura probablement lieu dans les mois qui viennent ".
Investisseurs fébriles
Si l'idée peut paraître séduisante sur le papier, encore faudrait-il que l'impulsion politique soit suffisamment forte pour que cette nouvelle monnaie puisse prendre une autre dimension. Car si elle ne repose sur aucun actif financier, elle ne sera pas échangée par les acteurs des marchés, et ne restera qu'un miroir des évolutions monétaires mondiales.
" Le problème est que les grands pays ne trouveront pas leur intérêt à émettre massivement de la dette dans une autre devise, compte tenu des risques auxquels ils s'exposeraient avec la variation de taux de change, étant donné que dépenses de gouvernement et recettes fiscales resteront libellées dans la devise locale ", expliquent les experts d'UBS. En la matière, on peut se référer à l'écu, pendant vingt-trois ans l'ancêtre de l'euro. Comme les DTS, il s'agissait d'une monnaie d'unité de compte reposant sur un panier de devises. Il n'a jamais détrôné le dollar, malgré des émissions obligataires d'Etat et son utilisation pour des contrats de paiement transfrontières entre banques.
Par ailleurs, sur le marché des obligations d'Etat, les investisseurs restent fébriles, guettant le moindre signe qui montrerait que les pays pourraient avoir des difficultés à se financer. Ils ont ainsi été inquiets après que l'émission d'obligations du Trésor américain à cinq ans a reçu un accueil mitigé, mercredi. Ils ont été rassurés lorsque, le lendemain, celle des emprunts d'Etat à 7 ans a connu une forte demande.
De même au Royaume-Uni, l'Etat a raté une levée de capitaux à 40 ans, ne parvenant à placer que 93 % des titres. Les investisseurs ont été freinés par la publication d'une hausse surprise de l'inflation qui a mis en difficulté la Banque d'Angleterre, alors que celle-ci a basé sa politique monétaire sur un risque de déflation.
Cécile Prudhomme
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