«Le Capital» va faire l'objet d'une adaptation style Broadway à Shanghai. Tandis que la capitale du capitalisme à la chinoise promeut le père de la lutte des classes, les autorités pékinoises financent, pour leur part, un film sur le très harmonieux Confucius.
«Hegel note quelque part que tous les grands événements et personnages historiques surviennent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d'ajouter: une fois comme tragédie, la fois d'après comme farce», écrivait Karl Marx dans Le 18 brumaire de Louis Bonaparte. La Chine contemporaine semble vouloir lui donner raison. Plus fou, elle propose même de substituer à la «farce», une comédie... musicale.
Des producteurs shanghaiens ont annoncé cette semaine qu'ils préparaient pour l'an prochain une comédie musicale inspirée par les théories de Karl Marx. La production aura pour titre Le Capital.
Rien à voir, cependant, avec les opéras révolutionnaires façon Jiang Qing qui assommaient les masses populaires durant la Révolution culturelle. On a complètement changé d'époque. Il s'agit, expliquent les producteurs, d'être «branchés, intéressants et éducatifs». Il faut que le public «ait du plaisir». Le spectacle sera donc inspiré de grands shows façon Broadway ou Las Vegas, promet le metteur en scène He Nian.
Plus fort encore, l'idée n'a pas été puisée dans les vieux fonds de littérature rouge qui servaient jadis à édifier les masses. Elle arrive en Chine populaire en droite ligne du Japon, via un manga, lui aussi baptisé Le Capital, paru en décembre dernier dans l'Archipel et qui s'est écoulé comme des petits pains à la vapeur. L'intrigue illustre les théories marxistes en les incarnant, paraît-il, au sein d'une fabrique de fromages. Le Centre d'art dramatique de Shanghai, qui est encore en train de travailler sur le scénario, veut lui aussi placer le marxisme en situation. La scène se déroulera ainsi au sein d'une entreprise où les employés découvriront qu'ils sont exploités. Les uns choisiront la soumission, les autres la rébellion, les troisièmes, enfin, s'organiseront pour obtenir des avantages. Il ne s'agit pas, promettent les producteurs, de dénaturer la pensée marxiste, mais de la rendre accessible à l'homme de la rue, afin qu'il comprenne - explique-t-on - les fondements de la crise économique mondiale. Dans cet esprit, les auteurs se sont placés sous l'autorité d'un professeur d'économie - M. Zhang Jun, formé en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis - qui sera le garant de la cohérence «marxiste» de l'ensemble. Mais de quel Marx parlera-t-on? Du penseur allemand dont une relecture attentive pourrait s'avérer explosive au pays du capitalisme sauvage? Ou du néo-Marx que les autorités chinoises tentent de promouvoir pour contrer l'influence du capitalisme étranger? Ce dernier est probablement le favori. Reste que, au moment où Shanghai s'apprête à chanter et à danser Karl Marx, l'Etat chinois, héritier de Mao, annonce qu'il va promouvoir un film dédié à l'harmonieuse personne de Confucius, penseur jadis conspué par les gardes rouges.
PHOTO - Musée Madame Tussaud en Allemagne/Getty Images
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