Pauvre comme un migrant en Chine
Chang Hongxiao, Ren Bo, Deng Hai, Zhou Qiong, Li Wei'ao
Caijing (Pékin)
Que deviennent les millions de paysans venus travailler dans les villes et qui sont brusquement licenciés en raison de la crise ? Le magazine économique chinois le plus réputé a enquêté.
Li Yanyan, qui était ouvrière depuis six ans dans la province du Guangdong, est rentrée le 20 décembre 2008 dans son village natal de Houxi, dans la province du Henan [dans le centre de la Chine]. C'est le chômage qui l'y a contrainte. Assise sur une petite chaise, dans un coin de la pièce principale de sa maison toute neuve, Li Yanyan nous dit tous ses regrets : "C'est de ma faute si j'ai perdu ce travail !" Lorsqu'elle parle, des rides peu en rapport avec son âge - seulement 37 ans - apparaissent au coin de ses yeux mi-clos. Le village de Houxi, dans la préfecture de Taikang, est situé dans le sud-est de la province du Henan. Il se trouve dans une grande région agricole très peuplée, qui génère constamment un fort courant d'exode rural. Il y a six ans de cela, faute de pouvoir subvenir aux dépenses des quatre membres de leur foyer avec leur petit lopin de terre de 1 mu (un quinzième d'hectare) par personne, Li Yanyan et son mari, Han Weidong, ont fait comme beaucoup d'autres au village : ils ont pris la route pour aller travailler dans les régions industrialisées du Sud. Après bien des vicissitudes, le couple a fini par se faire embaucher par la société Xinhui CIMC Container, à Jiangmen, dans le district de Xinhui. Han Weidong a trouvé un emploi de conducteur de chariot élévateur avec un salaire d'environ 4 000 yuans par mois [458 euros]. Li Yanyan a été chargée pour sa part de fabriquer des palettes pour 2 000 yuans par mois. A eux deux, ils gagnaient donc près de 6 000 yuans, ce qui leur permettait de vivre de façon assez aisée. Dès l'année suivante, ils ont fait venir leur fils et leur fille, qui étaient restés au village. Ils ont alors loué pour 200 yuans par mois un appartement avec télévision, climatisation et eau chaude. Ce logement n'était pas grand, mais les quatre membres de la famille y ont coulé des jours heureux. "Tous les matins, on pouvait boire du lait !"
Scolarisés à Xinhui, les deux enfants ont appris à la fois le mandarin et le cantonais. En les entendant parler, Li Yanyan, qui s'exprime surtout dans son dialecte local, avait souvent l'impression confuse qu'ils étaient devenus "des gens de la ville".
La famille n'en gardait pas moins son identité paysanne : faute d'un statut de résident citadin, il leur fallait payer chaque trimestre 500 yuans de frais de dérogation à la carte scolaire pour les enfants, tout en sachant que ceux-ci n'auraient pas le droit de se présenter à l'examen d'entrée à l'université de leur province d'adoption. Autre handicap réservé aux travailleurs migrants : malgré les cotisations versées par la société qui les employait à un fonds d'assurance-vieillesse, ils ne pouvaient pas espérer toucher la moindre pension, contrairement aux citadins, le jour où ils arriveraient à l'âge de la retraite. Au fil des ans, Li Yanyan et son mari ont fini par s'inquiéter de leur avenir. Ils ont donc décidé d'utiliser leurs économies pour se faire construire une maison neuve dans leur village, afin de parer à toute éventualité. C'est pourquoi Li Yanyan a pris un mois de congé en août 2008.
Mais, lorsqu'elle est revenue à Xinhui pour travailler, la situation avait changé : son entreprise connaissait maintenant de brusques difficultés. Elle avait licencié un tiers de ses ouvriers et mis en congé forcé un autre tiers. Pas question de réintégrer Li Yanyan. Elle dut chercher un autre emploi dans la région. Mais les employeurs n'offraient plus que des salaires mensuels de 700 à 800 yuans, bien inférieurs à celui qu'elle touchait auparavant. Elle ne parvenait pas à s'en satisfaire. A force de tergiverser, elle a laissé passer des opportunités et n'a finalement pas réussi à trouver le moindre travail, même mal payé. Voyant s'approcher à grands pas la période des grandes vacances du nouvel an chinois [fin janvier] et craignant que les prix des billets de train ne s'envolent, Li Yanyan a fini par décider de rentrer définitivement au village avec son fils.
Difficile de récupérer les terres confiées à des proches
Et maintenant ? Li Yanyan ne sait plus trop que faire. Elle a du mal - et son fils plus encore - à s'habituer à la vie dans ce village quitté voilà six ans. Il y fait froid, il n'y a pas de chauffage et ils ont très vite les extrémités gelées dès qu'ils restent assis un peu longtemps. Quant à leurs terres, elles ont été depuis longtemps confiées à des proches auxquels il est délicat de demander de les récupérer. Il faut donc acheter les légumes comme la farine. "J'ai dit à mes oncles que, si je ne trouvais pas de travail après le nouvel an, j'aurais besoin de reprendre mes terres pour les cultiver", précise Li Yanyan. Mais ce dernier projet n'est pas du goût de son fils. Ce jeune homme à la coupe de cheveux dernier cri, habillé selon la mode actuelle, nous a expliqué dans un mandarin à l'accent cantonais qu'il voudrait, plus tard, être commerçant, et "surtout pas cultivateur" !
De peur de perdre son emploi, le mari de Li Yanyan n'a pas osé venir à la campagne avec sa fille pour passer les fêtes de nouvel an. La famille, écartelée, affronte l'hiver en économisant sur tout. Car l'entreprise qui employait jadis le couple, la société de conteneurs Xinhui CIMC, connaît des jours sombres. Dans un vieil immeuble situé à 2 kilomètres de l'usine, nous avons rencontré le mari, Han Weidong, qui nous a reçus, en compagnie de sa fille, dans un salon d'une vingtaine de mètres carrés, meublé de façon très rudimentaire. Il nous a expliqué que son équipe de conducteurs de chariots élévateurs comportait au départ seize personnes faisant les trois-huit. Mais la direction de l'usine a pris plusieurs mesures pour accompagner la baisse d'activité depuis octobre : elle a commencé par supprimer le service de nuit ; elle a demandé à cinq conducteurs de prendre leurs vacances de façon anticipée ; et elle a finalement licencié six personnes. Quant au salaire de Han Weidong, il n'a cessé de se réduire depuis septembre et n'était plus que de 1 100 yuans le mois dernier [au lieu de 4 000 l'été dernier]. "Guère mieux qu'au chômage..." Or il lui faut malgré tout payer son loyer, la scolarité de sa fille et tous les frais de la vie quotidienne. "C'est fini le lait chaque matin !" soupire-t-il.
Aujourd'hui, il regrette amèrement d'avoir laissé sa femme partir un mois pour s'occuper de la construction de leur maison. Que faire à l'avenir ? S'il n'y a pas d'embellie et si son salaire reste à un niveau aussi bas, il devra sans doute repartir lui aussi au village. Il envisage de créer une usine de chaussettes dans sa région natale. "Les chaussettes sont des produits d'usage courant ; il y a sûrement de l'argent à gagner dans ce secteur, mais le problème, c'est que je n'ai pas de capital de départ", nous a-t-il expliqué tout en nous interrogeant sur la politique de l'Etat en matière de microcrédits pour les migrants.
En revanche, il n'envisage pas de reprendre une activité de cultivateur, car cultiver les champs, selon lui, permet tout juste de manger à sa faim. "Ça veut dire ne manger que les légumes du jardin. Et, en hiver, il faut se contenter de légumes en saumure, en tirant un trait sur la viande ! Moi, les légumes en saumure, j'en ai mangé à en avoir la nausée !"
Les mésaventures de la famille de Li Yanyan ne constituent pas un cas isolé [les statistiques officielles indiquent que 20 millions de migrants sont à la recherche d'un emploi]. D'innombrables liens invisibles unissaient jusqu'à présent les campagnes de l'intérieur de la Chine aux usines des provinces côtières. D'innombrables Li Yanyan avaient trouvé loin de leur village natal un travail et un mode de vie qui leur étaient propres. Mais voilà que, sans prévenir, ces liens se sont brusquement rompus.
En octobre 2008, le 3e Plénum du XVIIe Congrès du Parti communiste chinois s'est fixé pour objectif de faire doubler le revenu moyen des paysans d'ici à 2020. Autrement dit, au cours des douze prochaines années, il faudrait que celui-ci progresse de plus de 5,8 % en moyenne par an, hors inflation. Mais cet objectif semble aujourd'hui impossible à atteindre.
Retour dans le Henan, au village natal de Li Yanyan. "Tout au long de l'année, on se tue à la tâche, mais une fois déduit le coût d'achat des engrais et des semences, 1 mu de terrain rapporte à peine quelques centaines de yuans", nous explique un paysan du village de Li Yanyan. "Pour vivre, on dépend entièrement du travail de ceux qui sont partis en ville." Un travailleur migrant rentré au pays confirme : dans sa famille, plus des deux tiers des revenus annuels proviennent de son salaire. Plus généralement, les statistiques indiquent qu'en 2008 le revenu rural chinois provenait à 40 % des salaires des paysans devenus ouvriers. Autant dire que le revenu rural diminue aujourd'hui du fait du chômage dans les régions industrialisées.
Le chômage des paysans migrants révèle par ailleurs toute l'étendue des conséquences des différences [de statut et de mode de vie] entre le monde rural et le monde citadin. D'après le deuxième recensement agricole (réalisé fin 2006 et publié en 2008), une écrasante majorité des 130 millions de paysans partis travailler en ville n'avaient pour tout bagage scolaire qu'un niveau de collège ; seuls 8,7 % étaient allés au lycée ; ensuite venait le groupe des individus ayant arrêté l'école à la fin de l'école primaire ; enfin, 1,2 % d'entre eux étaient illettrés. Si les zones rurales sont très en retard sur le plan de l'enseignement de base, la situation est encore pire en matière de formation professionnelle. De ce fait, les travailleurs ruraux ont des choix très limités sur le marché de l'emploi et n'ont accès qu'à des secteurs à bas niveau de qualification, comme l'industrie manufacturière, le bâtiment, le transport, les exploitations minières, l'entretien ou la restauration. C'est une des raisons qui fait qu'un grand nombre de ceux qui sont mis au chômage n'ont d'autre choix aujourd'hui que de rentrer au bercail. [Dans le plan de relance gouvernemental de 4 000 milliards de yuans (428 milliards d'euros), le soutien à l'emploi des travailleurs migrants comporterait une enveloppe pour la formation professionnelle.]
La plupart des migrants sont dans la force de l'âge
Xi Shupeng, 30 ans, que nous avons rencontré en janvier dans le village de Houxi, représente un cas exemplaire. Il travaillait comme soudeur chez ATL (Amperex Technology Limited) à Dongguan, dans le Guangdong. "A la suite de la réduction du carnet de commandes, l'usine, qui n'avait plus besoin d'autant de salariés, a organisé un examen. Ceux qui l'ont raté ont été licenciés", explique froidement Xi Shupeng, qui n'a guère d'autre choix que de rentrer dans son village natal.
A Chongqing [ouest du pays] - importante région d'exportation de main-d'oeuvre -, le bureau municipal de protection du travail explique que plus de 95 % des travailleurs migrants qu'il voit rentrer n'ont suivi des études que jusqu'au collège ; seuls 4,8 % d'entre eux ont une formation professionnelle. La plupart ont travaillé dans des entreprises d'électronique, d'habillement, de jouets ou de chaussures.
La pyramide des âges permet également d'analyser sous un autre angle ce groupe social. La tranche des 30-45 ans est la plus importante. Autrement dit, la plupart des migrants rentrés dans leur région natale sont des personnes dans la force de l'âge, des soutiens de famille, qui doivent à la fois subvenir aux besoins de leurs vieux parents et financer la scolarité des jeunes, ce qui constitue une charge écrasante. Avec le tarissement de la source de revenus des travailleurs migrants, un assez grand nombre de familles risquent d'avoir du mal à joindre les deux bouts et pourraient même sombrer dans la misère.
Nous sommes allés, le 11 janvier dernier, au marché de l'emploi de Nanjimen, à Chongqing. A peine descendus du train qui les ramène des provinces côtières, croulant sous le poids de leurs bagages, de nombreux paysans s'y précipitent au lieu de poursuivre le voyage vers leurs villages. La période précédant la fête du Printemps est traditionnellement creuse pour le marché de l'emploi. Mais, cette année, les demandes d'emploi ont flambé, nous indiquent des membres du personnel. Plus de 20 % d'entre elles sont faites par des paysans migrants. Au demeurant, le nombre de demandeurs a été d'environ 30 % supérieur à celui de l'an dernier à la même époque. Il existe surtout une forte demande de la part de migrants jeunes ou d'âge moyen qui refusent de retourner aux champs et cherchent à rester en ville coûte que coûte. Cui Chuanyi, spécialiste des zones rurales au Centre de recherches sur le développement, qui dépend du gouvernement chinois, souligne à ce propos que les jeunes générations de travailleurs migrants n'ont quasiment aucune expérience du travail de la terre et même parfois aucun rudiment en agriculture. La plupart se sont habitués à la vie citadine, sans pour autant réussir totalement leur intégration. Le sociologue Zhao Shukai, secrétaire adjoint de la Fondation pour la recherche sur le développement de la Chine, indique pour sa part que le problème des travailleurs migrants licenciés qui refusent de rentrer au bercail risque de durer. Nombre d'entre eux vont en effet pouvoir vivre de petits boulots, en bénéficiant de l'aide de leur famille restée au village ou en puisant dans leurs économies. Mais, une fois qu'ils seront à bout de ressources, le mécontentement risque de monter dans leurs rangs. Le problème économique pourrait alors se transformer en problème social.
Le chômage à grande échelle des travailleurs migrants, qui constituent une élite parmi les 900 millions de ruraux, risque fort d'avoir des conséquences insoupçonnées. L'une des plus préoccupantes est sans doute la multiplication des conflits fonciers. D'après une étude réalisée conjointement en novembre 2008 par le bureau de l'agriculture et par le bureau du travail du district de Qianjiang, dans la municipalité de Chongqing, sur les 35 700 travailleurs migrants du district rentrés au pays, 8,23 % affirmaient avoir cédé leur droit d'exploitation d'un lopin de terre et par conséquent ne plus avoir les moyens de se consacrer à la production agricole.
A Houxi, le village de Li Yanyan, les tensions à propos des terres agricoles sont devenues fortes depuis le retour aux pays des travailleurs migrants, et souvent des heurts éclatent à ce sujet quand certains d'entre eux tentent de récupérer leurs droits sur leurs terrains. Prenons l'exemple de Han Guoqiang, un paysan qui ne dispose que de 2 mu de terres arables. C'est insuffisant pour nourrir les quatre bouches de son foyer : il a donc loué 6 mu de parcelles à des villageois partis travailler en ville. En contrepartie, chaque année, il leur donne environ 500 kilos de blé. Même si les détenteurs des droits d'exploitation des champs en question ne sont pas revenus pour l'instant, M. Han ne peut que s'inquiéter quand il voit de nombreux migrants demander à récupérer leurs parcelles. Nombreux sont ceux qui, avant de partir, avaient loué leurs terres ou les avaient confiées à la municipalité, qui les a parfois réattribuées à d'autres foyers. Les situations sont donc complexes et se prêtent à de nombreux conflits.
Autre problème, encore plus délicat : celui des migrants qui n'ont jamais eu de terres et qui ne peuvent donc même pas espérer survivre en cultivant un petit lopin. Le cas est très courant dans la région de Chongqing, où de nombreux paysans avaient précisément émigré pour pallier ce manque de terres. Des enquêtes menées pendant trois ans auprès de 16 268 travailleurs migrants et leurs familles dans une vingtaine de districts relevant de dix provinces et municipalités du centre-est du pays montrent en outre que ces paysans déracinés ne peuvent compter sur aucune forme d'assurance-vieillesse. "En l'absence quasi généralisée de couverture sociale", souligne Feng Xiuqian, l'un des responsables de cette étude, "le chômage pose des problèmes de survie à ces travailleurs migrants dépourvus de terres. Si personne ne dispose de lopin dans la famille, il devient très difficile de subvenir aux besoins du foyer." Les tensions que génèrent ces situations individuelles commencent d'ailleurs à s'exprimer dans la rue. Pendant les trois jours que nous avons passé dans le district de Kai, nous avons pu observer par deux fois des manifestants bloquant des routes. Selon un fonctionnaire du bureau des migrations du district, les incidents sont désormais fréquents.
Les jeunes ne veulent plus être paysans et resteront en ville
Des statistiques du ministère de la Sécurité publique indiquent que près de 950 millions de Chinois sont encore enregistrés à l'état civil en tant que ruraux. D'après une estimation que l'on peut faire à partir du taux d'urbanisation actuelle, ce chiffre devrait être en fait de seulement 730 millions. Si ces chiffres paraissent contradictoires, c'est parce que tout travailleur migrant d'origine rurale ayant passé plus de six mois en ville au cours de l'année est considéré par l'administration comme faisant partie de la population urbaine. Ce n'est pas pour autant qu'il est enregistré à l'état civil en tant que citadin ; il ne peut donc bénéficier de la couverture sociale et des services publics offerts aux citadins. Aux yeux de la loi, ces gens-là restent des "ruraux".
Le 16 décembre dernier, nous étions en fin de matinée à l'agence du bourg de Shijie du bureau de protection sociale de la municipalité de Dongguan. Les gens y faisaient la queue sur une centaine de mètres pour venir récupérer leurs cotisations d'assurance-vieillesse. La foule des demandeurs était telle que la police locale a dû intervenir pour la canaliser. Récupérer ses cotisations d'assurance-vieillesse consiste pour les paysans migrants à reprendre les parts investies dans le fonds de retraite de leur ancien employeur. Li Yanyan, qui a effectué cette démarche à Jiangmen avant de rentrer dans le Henan, nous a expliqué qu'elle aurait aimé bénéficier du système de retraite des citadins, mais qu'elle savait bien que, dans la pratique, celui-ci resterait inaccessible pour elle tant qu'elle ne pourrait pas être enregistrée à l'état civil avec le statut de citadine. Pour ne pas tout perdre, il lui fallait demander le reversement des cotisations prélevées par son employeur. "Dans le cas où j'aurais simplement changé d'employeur, les cotisations versées précédemment n'auraient pas été transférées", explique-t-elle, résignée. A cause de la disparité de statut entre citadins et ruraux, des gens comme elle ne parviennent pas à se sentir "appartenir" à la ville, que ce soit sur le plan de l'éducation, des soins médicaux et même des opportunités professionnelles. C'est également pour cela que, pour la grande majorité des paysans migrants, les villes ne sont qu'un lieu de travail leur permettant de subvenir aux besoins de leur famille.
Depuis l'année 2000, le gouvernement chinois a pris plusieurs mesures visant à supprimer les discriminations afin d'encourager la mobilité de la main-d'oeuvre rurale et l'urbanisation. Cependant, il existe un décalage évident entre les progrès réalisés dans la pratique et les besoins réels. Le problème est particulièrement saillant en matière d'urbanisme, de construction de logements neufs, de services publics ou de gestion résidentielle. Dans tous ces domaines, les besoins urgents des travailleurs migrants d'origine paysanne n'ont pas véritablement été pris en compte, et les investissements réalisés sont extrêmement limités.
C'est en grande partie par crainte que les installations urbaines ne puissent supporter la lourde charge que constitue l'afflux de migrants que le maintien de migrations saisonnières "dans les deux sens" s'est imposé comme un choix politique naturel et qu'une refonte complète du système a été ajournée. Dans le processus d'urbanisation, la majorité des paysans a été lésée. L'Etat a préféré miser sur leur installation dans les petites agglomérations.
Le directeur du Centre pour la réforme et le développement des petites villes (CERD), Li Tie, indique que, si l'on veut donner plus d'importance aux petites villes, il est indispensable de bien cerner le problème des paysans migrants. "Il faut stabiliser la situation de ces ruraux qui exercent depuis longtemps un métier en ville et y ont leur résidence." Il faut réfléchir aux emplois supplémentaires qu'on peut leur proposer ; pour cela, il faut prendre des mesures spécifiques et débloquer les financements correspondants.
De son côté, l'économiste Tang Min, secrétaire adjoint de la Fondation pour la recherche sur le développement de la Chine, préconise l'ouverture et le développement d'un nouveau marché de l'emploi pour les travailleurs migrants.
Il est prouvé que les villes et les régions attirant une forte proportion de main-d'oeuvre non locale sont plus compétitives sur le plan économique et se développent plus rapidement. Instaurer un seuil d'entrée trop élevé pour les travailleurs migrants revient au final à sacrifier le dynamisme du développement économique.
"Nous ne pouvons pas imaginer que les 4 000 milliards de yuans du plan de relance ne serviront qu'à financer le développement des voies ferrées, des grandes infrastructures ou des grands travaux, sans venir en aide à cette communauté pleine de créativité que forment les paysans migrants, ce qui permettrait véritablement de stimuler la consommation et de stabiliser le marché de l'emploi", remarque Li Tie.
© 2009 Courrier international. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire