Le conflit de civilisations terrifie l'Occident. On en parle peu, mais on y pense beaucoup. La crainte obsède que le fanatisme puisse un jour enflammer l'univers islamique. Et ne soit revigoré par la terrible dépression mondiale.
L'optimisme relatif de l'Occident repose sur l'évolution pacifique de la majorité des pays musulmans et plus encore de leurs dirigeants. Il est, en revanche, contrarié par le grand théâtre proche-oriental, arène de passions furieuses. Sur le triangle incandescent d'Israël, de l'Iran et du Pakistan rôde toujours le spectre de la guerre.
« Notre partenariat avec le monde musulman est crucial. » Obama, maître, sur cet échiquier, du jeu occidental, avance avec, dans chaque main, des rameaux d'olivier. Son idée, c'est d'abord de résoudre l'insoluble conflit israélo-palestinien. Ainsi croit-il, à tort ou à raison, que s'apaiserait le ressentiment antioccidental qui nourrit le fanatisme. « L'intérêt national des Etats-Unis », insiste-t-il, c'est qu'un jour Israël coexiste avec un Etat palestinien. Appuyé en somme sur le plan de paix saoudien qu'approuva la Ligue arabe, Obama veut forcer la main d'Israël. Et amorcer du même coup, avec l'Iran, un compromis qui en éloignerait la menace nucléaire. Inch' Allah !
Accueillons cette mirifique ambition avec une espérance inquiète ! Car, pour l'heure, Israël laisse toujours s'établir ses colonies anarchiques dans les zones palestiniennes. Et n'écarte nullement une éventuelle intervention militaire sur les sites atomiques iraniens. Il attend toujours la preuve que les Palestiniens-malgré leurs divisions persistantes, malgré les injonctions du Hamas islamiste-renoncent ouvertement à exiger le retour massif de leurs réfugiés.
Pression donc de Washington sur les Palestiniens via le Caire, Ankara et Damas ! Bras de fer avec Israël d'une diplomatie secrète mais intensive. Frêle barrage contre un océan de haines !
Les bruits les plus inquiétants, ces jours-ci, viennent de l'aire Pakistan-Afghanistan, deux pays confrontés au pouvoir taliban. L'Otan le combat en Afghanistan avec le scepticisme croissant des militaires : la guerre antiterroriste s'y mue en guerre coloniale dès lors que le soutien populaire, fuyant l'occupant étranger, cède à la solidarité pachtoune. Voici pis : les talibans afghans, par-delà une frontière abstraite, conquièrent des régions entières du Pakistan. Le pouvoir gangrené de Karachi et son armée défaillante leur concèdent des zones tribales où s'établissent la loi coranique, l'asservissement des femmes, la décapitation et le fouet, tout le carcan répressif des « fous de Dieu ».
Le Pakistan, Etat nucléaire, se trouve lui-même rongé par la fièvre islamiste, par son conflit religieux avec l'Inde. Et par la multiplication, chez lui, des madrassas, instituts conventuels d'islam où fermente le fanatisme le plus cru. Depuis longtemps, l'Occident cherchait le soutien volatil du Pakistan pour pacifier Kaboul. Bientôt on cherchera le soutien de Kaboul... pour pacifier le Pakistan. Bref, dans cet espace enfiévré, le djihadisme international ne recule pas; il avance.
L'Iran, virtuose du bonneteau diplomatique, continue de faire surgir puis d'escamoter le spectre de sa bombe. Passons sur la diatribe délibérée de son président Ahmadinejad à la conférence de Genève sur le racisme ! Mais retenons, en revanche, que l'universalisme de nos droits de l'homme y a passé un mauvais quart d'heure.
Bizarre comédie onusiaque où la Libye, Cuba et l'Iran tenaient, à son comité préparatoire, le haut du pavé ! Fallait-il y assister, comme fit la France, afin de ne pas déserter le forum de l'Onu ? Ou bien s'en dispenser, comme les Etats-Unis et l'Allemagne ? Voyons, en tout cas, que plusieurs Etats islamiques affichent toujours la prééminence de la loi coranique sur ce que nous tenons à l'Onu, et depuis 1948, comme un acquis majeur de l'humanité. Voyons qu'ils tentent toujours de faire condamner la critique des religions (en France, et depuis les Lumières, c'est tout un pan de notre patrimoine intellectuel et politique).
Aujourd'hui que la Chine et quelques « émergents » de poids les rejoignent, on ne trouvera plus, à l'Onu, de majorité pour l'Occident et ses valeurs réputées (chez nous) fondamentales... Jugement glacial mais, je le crains, lucide d'Hubert Védrine : l'Occident est prié de se désoccidentaliser, de mettre une sourdine à son prosélytisme des droits de l'homme... Alors quoi ? Un autodafé d'illusions perdues ? Fichtre !
En Turquie, Obama n'a pas manqué d'afficher son second prénom, Hussein, comme pour conforter sa bienveillance naturelle à l'égard de l'univers musulman. Ma foi, pourquoi pas ? Pourvu que ceux qui se prénomment Christian puissent vivre en paix !
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