Affermie par son rôle de bailleur de fonds des Etats-Unis, la Chine arrive en position de force au sommet du G20 du 2 avril à Londres, aspirant à un nouveau rôle dans l'ordre mondial. Il est temps, car " la Chine n'est pas satisfaite ", clament les auteurs du livre Zhongghuo bu gaoxing, sous-titré en anglais Unhappy China, un brûlot nationaliste paru en mars, dont la rhétorique agressive vis-à-vis de l'Occident, et envers tous ceux qui, à l'intérieur du pays, font preuve de " défaitisme ", provoque de vives débats.
" Alors que la puissance nationale chinoise connaît une expansion sans précédent, la Chine doit arrêter de se dénigrer et reconnaître qu'elle a la capacité de guider le monde, et la nécessité de se soustraire à l'influence occidentale ", expliquent les auteurs : Song Qiang, Huang Jisu, Song Xiaojun, Wang Xiaodong et Liu Yang. Tous appartiennent au monde des médias ou de l'édition. L'un d'eux, Song Qiang, avait contribué à un autre ouvrage collectif dans une veine similaire, La Chine qui peut dire non, publié en 1996, critiquant l'hégémonie américaine.
Unhappy China établit un diagnostique des maux qui rongent la Chine. Y est dénoncée toute une élite chinoise surmédiatisée dont les opinions seraient néfastes pour " la sauvegarde de l'esprit chinois ". Sur le plan diplomatique, le mouvement de protestation au Tibet de mars 2008 serait " la preuve de la stratégie d'encerclement de la Chine par le monde occidental ". Les auteurs proposent " d'incorporer dans nos stratégies diplomatiques le principe de punition, spécialement pour les relations franco-chinoises ".
Ces arguments émergent régulièrement sur l'Internet chinois, sous la plume d'une partie des fen qing, les " jeunes en colère ". Prêts à se mobiliser pour défendre l'honneur de la Chine, ils reflètent, pour certains, la ligne dure au sein du parti communiste. Pourtant, Unhappy China, qui s'est déjà vendu à plus de 100 000 exemplaires, est loin de faire l'unanimité. La presse officielle a contre-attaqué, mercredi, dénonçant les " vues extrémistes " du livre. " Au plus haut niveau, on veut signaler qu'on n'a rien à voir avec ces gens, que ce n'est pas l'image à donner de la Chine ", décrypte un diplomate occidental.
EXCÈS RÉVOLUTIONNAIRES
Les auteurs s'opposent à un courant libéral qui tel le mouvement de protestation de la Charte 08 critique l'archaïsme chinois en matière de droits de l'homme et de démocratie. Les auteurs " font tout ce foin pour vendre et attirer l'attention, il y a beaucoup d'imposture dans le nationalisme en Chine qui a toujours été manipulé ", nous dit l'écrivain et dissident Yu Jie, signataire de la Chartre 08. Unhappy China s'attaque ainsi au " mythe hypocrite et hideux " de l'écrivain culte Wang Xiaobo, mort en 1997, pourfendeur des excès de la Révolution culturelle. " L'opinion publique chinoise reste plutôt favorable au cosmopolitisme qui s'est épanoui dans les années 1980, estime Sebastian Veg, du Centre d'étude sur la Chine contemporaine, à Hongkong. Wang Xiaobo est un symbole de cette ouverture enthousiaste au monde après la fermeture durant la Révolution culturelle. C'est pour ça qu'ils s'en prennent à lui. "
Brice Pedroletti (Shanghaï, correspondant)
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