samedi 23 mai 2009

CHRONIQUE - Le dilemme chinois - Favilla

Les Echos, no. 20429 - Idées, vendredi, 22 mai 2009, p. 12

La chronique de Favilla

Les crises économiques accélèrent les changements géopolitiques. Celle des années 1930 avait précipité le déclin britannique et annoncé la suprématie américaine. La crise actuelle favorisera-t-elle la montée en puissance de la Chine ? Certains observateurs imaginent déjà, comme instance de concertation sur les grandes affaires du monde, un « G2 » associant Washington et Pékin... Pour l'instant, sur le plan économique, les deux pays sont surtout liés par leurs points faibles. Avant la crise, on soulignait la dépendance des Etats-Unis vis-à-vis de leur créancier chinois. On voit aujourd'hui que le créancier est tout aussi dépendant de son débiteur : les trois quarts de ses gigantesques réserves de change étant libellées en dollars, la Chine est la première à souffrir de la fragilité du billet vert, accentuée par la hausse des dépenses publiques américaines. Cette dépendance n'est pas seulement financière : pour assurer la croissance, condition de son équilibre social, la Chine a parié sur le développement des exportations. Le freinage de la demande mondiale - notamment américaine - a des conséquences immédiates : quelque 20 millions de travailleurs migrants jusqu'ici employés dans l'industrie auraient été renvoyés dans les campagnes. Enfin, ces deux dépendances sont étroitement liées : si la Chine refusait de financer le déficit américain en cas de reprise de la demande, elle tarirait sa propre source de croissance.

Pour les autorités de Pékin, il existe, en théorie, deux moyens de sortir de ce cercle vicieux. Le premier est de plaider pour la création d'une monnaie de réserve internationale destinée à remplacer le dollar - proposition émise par le président chinois au cours du G20 d'avril - pour sauvegarder la valeur des réserves. Le second est de réorienter la croissance vers une élévation plus rapide du niveau de vie des Chinois. Mais faire passer un peuple de la misère à une relative prospérité est un exercice à haut risque politique. Le « paquet budgétaire » de relance, de près de 600 milliards de dollars, annoncé en novembre, est impressionnant, mais l'expérience a montré, en Chine, les effets pervers d'un déversement massif d'argent public : surinvestissement, gaspillages, corruption, clientélisme. Savoir dépenser suppose un minimum de démocratie.

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