mardi 5 mai 2009

CHRONIQUE - Le dollar en balance - Favilla

Les Echos, no. 20418 - Idées, mardi, 5 mai 2009, p. 16

La Chine vient d'annoncer qu'au cours des six dernières années, elle a augmenté ses réserves d'or de 76 %. Certains en déduisent que la Chine joue l'or contre le dollar. C'est exagéré, si l'on considère que la « teneur en or » des réserves chinoises n'excède pas 1,6 %, alors qu'il entre pour 78 % dans les réserves américaines et 72 % dans celles de la France ou de l'Allemagne. Mais, en Chine, les pourcentages sont lourds de valeur, et ses mille tonnes la hissent au cinquième rang mondial. Il reste qu'avec ses quelque 2.000 milliards de dollars de réserves de change, Pékin pourrait faire beaucoup plus s'il lui prenait envie de combattre le dollar par l'or. Cette petite opération métallique n'est en l'occurrence que le reflet étincelant, mais superficiel, d'une stratégie visant à remettre le dollar à sa place, parmi d'autres instruments de réserve.

Déjà gavée de près de 750 milliards de bons du Trésor américains, on comprend que la Chine cherche à se libérer de cette étreinte du débiteur sur son créancier. La situation n'est pas nouvelle, mais la récente faillite de la finance de Wall Street a révélé l'incapacité du siège du dollar à observer les disciplines qu'on attend d'un espace monétaire de réserve. La crise offre l'occasion d'en tirer les conséquences. Les autorités chinoises ont récemment affiché leur préoccupation sur la valeur de leurs actifs, et leur souhait d'une nouvelle monnaie de réserve de substitution. A leur suite, les autres pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) se sont déclarés partisans d'utiliser la monnaie émise par le FMI sous forme de droits de tirage spéciaux. En Europe et en France, bien que plus discrètement, on n'est pas fâché de l'idée d'une monnaie internationale ; plus rigoureuse, moins arrogante, et supposée mieux exprimer l'intérêt général.

La crise ramène à quelques fondamentaux. Pour véhiculer les échanges internationaux, Keynes proposait une monnaie internationale dite « bancor ». Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis n'avaient pas maîtrisé les excédents de leur balance jusqu'à créer un « dollar gap ». Aujourd'hui, ce sont leurs déficits. En face, hier, il n'y avait personne. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est pourquoi le dollar balance.

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