lundi 18 mai 2009

CINÉMA - Vengeance de Johnnie To avec Johnny Halliday

Le Temps - Culture, lundi, 18 mai 2009

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Et Johnny Hallyday devint une icône asiatique

Johnnie To, l'un des plus grands stylistes du cinéma d'action hongkongais, a invité Johnny pour un film improbable et déjà culte à découvrir sur les écrans suisses dès mercredi: «Vengeance»

Les cinéphiles se réjouissaient que Johnnie To vienne une seconde fois (après Election en 2005) aligner son immense talent dans la compétition. Mais aucun n'aurait imaginé qu'à 54 ans et après 40 films en vingt ans dont des chefs-d'oeuvre comme The Mission (1999) ou PTU (2003), le plus grand styliste du cinéma d'action hongkongais reviendrait avec un drôle de lapin dans son chapeau: Johnny Hallyday. Vengeance raconte en effet l'histoire improbable d'un ancien tueur, devenu patron de restaurant sur les Champs-Elysées, qui se rend à Macao puis à Hongkong pour venger l'assassinat de sa fille et de ses petits-enfants.

Perdu dans la culture chinoise, atteint de troubles de la mémoire, mais toujours leste de la gâchette, le Français, avec son chapeau et son manteau comme caricatures de film noir, s'allie avec trois tueurs locaux sans savoir, eux non plus d'ailleurs, que leur patron est celui qui a commandité le quadruple assassinat. Avec cette matière, Johnnie To ne signe de loin pas son meilleur film. Mais il construit une oeuvre hilarante et instantanément culte, qui aura peut-être le mérite de titiller enfin la curiosité du grand public occidental sur le génie de Johnnie To.

Il aura donc tout fait, Johnny Hallyday. La musique et les concerts bien sûr, dont les performances scéniques visionnées en DVD ont convaincu Johnnie To pour qui le chanteur était un illustre inconnu. Mais aussi le cinéma: cette comédie d'action hongkongaise succède tout de même à une petite trentaine de films qui prêtent, certes, souvent à la moquerie (Le jour se lève et les conneries commencent, Terminus). Pourtant, quel autre acteur français, a fortiori chanteur à succès, peut se vanter d'avoir joué dans un western spaghetti italien honorable (Le Spécialiste), un Godard pas trop ennuyeux (Détective) ou un bon Patrice Leconte (L'Homme du train)? Et si l'on y ajoute un film d'action hongkongais, la réponse est courte: aucun à part lui, Johnny.

Le plus amusant peut-être, c'est que ce cadeau du destin est survenu grâce à la défection d'Alain Delon, star en Asie et d'abord pressenti par Johnnie To. A Cannes dimanche, le cinéaste a d'ailleurs sèchement déclaré: «Je n'ai qu'une seule chose à dire sur Alain Delon: trop tard.» Comprenne qui pourra. N'empêche, Johnny a profité de cette place vacante et Johnnie a adapté son film à la personnalité de Johnny, à sa mythologie. Comme lui, la mise en scène est haute en couleur, parfois anthologique et toujours à la limite du ridicule. Comme lui, le personnage énonce des répliques laconiques type «Ça veut dire quoi se venger quand on a tout oublié?». Comme lui, le rythme du film marque d'étranges pauses, comme des fausses notes qui n'en sont jamais.

Après la projection, durant laquelle il était difficile de dénouer les rires involontaires des éclats nés de scènes voulues comiques, la salle de conférence de presse, à moitié pleine seulement, devait rappeler que Johnny Hallyday est un nom qui ne dit rien à la plupart des médias internationaux. Les rares envoyés spéciaux non francophones qui sont venus interroger l'icône ­Johnny en l'observant comme une curiosité locale se sont plutôt esclaffés en l'écoutant dire: «En arrivant en Chine, j'étais complètement perdu, mais c'était bon pour le personnage. Comme, en plus, je n'avais pas beaucoup de dialogues à apprendre et que je savais déjà tenir un pistolet, ça s'est plutôt bien passé.»

Alors, comme fragilisé par cette audience à conquérir, exercice devenu, pour lui, rarissime sur ses propres terres, Johnny a joué la carte du coeur en évoquant l'image de solitaire qu'il renvoie: «J'ai porté toute ma vie le manque d'avoir un père. Mais je ne lui en veux pas: il a vécu sa vie et j'ai vécu la mienne.» On aurait dit les paroles d'une de ses chansons et la presse internationale a soudain frémi. Comme si elle venait de comprendre par quel miracle cet énergumène permanenté, qui ressemble de plus en plus à sa marionnette télévisée, a pu devenir l'idole des francophones.


Thierry Jobin, Cannes

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1 commentaires:

Unknown a dit…

Très bel article, pour ma part, je n'ai pas encore vu le film mais ces quelques scènes sur You tube et j'ai vraiment hâte qu'il sorte

http://www.youtube.com/watch?v=_7UPuVQmD2A