La Chambre de commerce européenne en Chine s'inquiète d'une poussée de protectionnisme dans le pays. Les groupes étrangers se seraient retrouvés exclus de plusieurs appels d'offres portant sur des milliards de dollars.
Le 7 mai dernier, lors d'un dîner officiel organisé à Bruxelles à l'issue d'une rencontre entre les commissaires européens et une délégation gouvernementale chinoise, Joerg Wuttke, le président de la Chambre de commerce européenne en Chine, s'est retrouvé à la table de Wang Qishan, le vice-Premier ministre chinois, pour évoquer les dossiers économiques divisant les deux partenaires. « Nous avions un gros rapport de 200 pages listant toutes les difficultés des entreprises européennes en Chine. Ils avaient, eux, une seule page de doléances », se souvient le responsable, qui dénonce une poussée du protectionnisme en Chine.
Touchées comme leurs homologues chinoises par le ralentissement de la croissance à seulement 6,1 % au premier trimestre, les sociétés étrangères installées dans le pays attendaient beaucoup de l'impact du plan de relance de 4.000 milliards de yuans (465 milliards d'euros) promis, en novembre, par Pékin. Mais elles n'auraient pas encore toutes profité, à parts égales, de ces projets de dépenses. « Beaucoup d'entreprises nous ont signalé un rebond des commandes essentiellement au début du mois de mars. Le plan de relance a notamment eu un impact positif sur l'industrie automobile, les producteurs d'électroménager et leurs fournisseurs de composants », pointe Joerg Wuttke, qui estime que « l'économie chinoise est en train de rebondir ». Hier, Isaiah Cheung, le vice-président de Hewlett-Packard en Chine, confirmait que son groupe avait effectivement profité ces dernières semaines d'une amélioration de la consommation dans le pays. « Si le plan de relance ne va pas entraîner une poussée de commandes pour Alstom, il va permettre de garantir que les précédents projets ne déraillent pas faute de financements », confiait, il y a quelques jours, Philippe Joubert, le président d'Alstom Power.
Procédures opaques
Dans nombre de secteurs, cette reprise chinoise tarde pourtant à gagner les entreprises étrangères, qui se retrouvent exclues des projets lancés par le gouvernement. « La Chine n'ayant toujours pas validé l'accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce, les procédures d'appel d'offres sur des marchés publics d'infrastructures ne sont toujours pas transparentes. Les étrangers se retrouvent très facilement disqualifiés sur des critères techniques », regrette Joerg Wuttke. Aucun groupe étranger, et notamment pas les géants du secteur que sont Suzlon, Vestas ou REpower, n'a ainsi été sélectionné dans les tout derniers grands projets éoliens conduits par la puissante Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme (NDRC). « Le cas le plus récent qui nous préoccupe concerne un contrat portant sur 5,2 gigawatts d'électricité qui était estimé à 5 milliards de dollars », détaille le président de la Chambre européenne de commerce en Chine.
Restant habituellement discrets sur leurs déboires dans le pays de peur d'offusquer les autorités centrales, les groupes frustrés n'ont que peu commenté ces derniers jours cette poussée de protectionnisme. A la mi-mai, Paulo Soares, le directeur exécutif de Suzlon en Chine, regrettait toutefois publiquement la limitation d'accès aux grands marchés du pays, qui a pourtant imposé aux groupes étrangers de travailler à partir d'usines implantées dans le pays. « Nous pensons que les producteurs internationaux pourront accéder au maximum à 35 % du marché », prévenait-il avant d'appeler Pékin à « laisser faire le marché ».
Inquiet de l'impact social de la crise, qui aurait déjà coûté leur emploi à plus de 20 millions de travailleurs migrants, les autorités centrales et locales chinoises, qui alimentent l'essentiel du plan de relance, tendraient à protéger au maximum leurs marchés du travail et oublieraient leur promesses d'ouverture faites lors de leurs déplacements dans les capitales occidentales. Ayant déjà fermé aux étrangers plusieurs grands secteurs qualifiés de « sensibles » (télécoms, médias, une partie de la finance...), elles n'hésiteraient plus à compliquer l'accès à des marchés réputés moins « politiques ». Fin avril, une nouvelle loi postale a ainsi interdit aux groupes UPS, DHL, FedEx ou encore TNT de distribuer du courrier express à l'intérieur du territoire chinois. Pékin avait encore évoqué sans plus de précision des « raisons de sécurité ».
YANN ROUSSEAU
PHOTO - Yang Jiechi, ministre des affaires étrangères lors de son discours au sommet Chine-Europe à Hanoi, le 25 mai 2009 / Reuters
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