mardi 5 mai 2009

Les ex-détenus ouïghours embarrassent Berlin - Yves Petignat

Le Temps - International, mercredi, 6 mai 2009

Après avoir fait pression pour fermer la prison de Guantanamo, Berlin doit montrer sa solidarité avec le président Barack Obama.

L'Allemagne va-t-elle accueillir une partie des 17 prisonniers ouïghours libérés de Guantanamo? La demande américaine, confirmée hier par un responsable sous le couvert de l'anonymat, embarrasse Berlin. La grande coalition d'Angela Merkel, qui avait fait pression pour fermer la base sur l'île de Cuba, est très partagée entre son souci d'apporter son aide au président Obama et la crainte que l'opération ne vire au débat sécuritaire durant la campagne électorale.

On sait que les Etats-Unis sont empêtrés avec la promesse de Barack Obama de fermer Guantanamo. Car certains prisonniers, une cinquantaine, contre lesquels aucune charge n'a pu être retenue après sept ans d'emprisonnement, ne peuvent ni demeurer aux Etats-Unis, parce que les sénateurs refusent la perspective de les voir s'installer dans leur Etat, ni être renvoyés dans leur pays d'origine, de crainte de mauvais traitements. C'est le cas notamment de 17?Ouïghours, une minorité musulmane turcophone du Xinjiang, en Chine.

Pour débloquer la situation aux Etats-Unis, certains pays européens, dont l'Allemagne, seraient ainsi prêts à en accueillir quelques-uns. On parle d'une dizaine de personnes, sans qu'il soit clair s'il s'agit d'un groupe à répartir entre les membres de l'UE ou uniquement en Allemagne. Il se trouve précisément que la plus grande communauté ouïghoure d'Europe, 500 personnes, se trouve dans les environs de Munich. Les discussions menées avec les Etats-Unis devront préciser le nombre, l'origine des personnes et les conditions de leur accueil, a précisé le porte-parole du gouvernement en confirmant qu'une requête générale était parvenue des Etats-Unis.

La question divise profondément la grande coalition. Wolfgang Bosbach, vice-président du groupe parlementaire de la CDU, estime que l'Allemagne ne doit rien aux Etats-Unis à ce sujet: «C'est la responsabilité des Etats-Unis. L'Allemagne n'a pas participé à la création de Guantanamo ni à son exploitation. S'ils sont innocents, pourquoi n'ont-ils pas été libérés plus tôt?» Car, ajoute le quotidien conservateur Die Welt, les prisonniers ouïghours ont été libérés «parce que Guantanamo est contraire aux droits de l'homme, pas parce qu'ils seraient inoffensifs». Le quotidien rappelle qu'ils appartenaient en effet au Mouvement islamiste du Turkestan oriental, lié et financé par Al-Qaida.

Pour le SPD, en revanche, l'accueil d'ex-prisonniers ne répond pas seulement à des questions humanitaires, mais aussi politiques. «Nous avons un grand intérêt à ce que Guantanamo soit fermé et à ce que Barack Obama réussisse les changements politiques promis», prévient l'un de ses porte-parole. Mais la décision dépend aussi des Länder, pas très chauds à l'idée que les ex-prisonniers puissent circuler librement chez eux. «Nous en accueillerons, mais nous n'allons pas nous faire de la concurrence pour les accueillir», dit le ministre de l'Intérieur de Bavière.

PHOTO - Manifestation devant la Maison blanche, janvier 2009 / AP

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