Lorsqu'Aung San Suu Kyi a pénétré dans le tribunal où elle est jugée pour violation des règles de son assignation à résidence, le 20 mai, tout le monde s'est levé, spontanément. Etrangers et Birmans. Ambassadeurs, journalistes, policiers et militaires. La fille du général Aung San, héros de l'indépendance birmane, n'est qu'une détenue, mais elle commande le respect. Pendant que l'accusée s'entretenait avec ses avocats, l'assemblée est restée debout. Cet hommage informel n'a pas dû être du goût des autorités puisque le 26 mai, lorsque les étrangers ont été admis une deuxième fois à l'audience, ils ont été les seuls à se lever. Frêle, « très digne », selon un témoin, « apparemment en bonne santé », le Prix Nobel de la paix les a salués : « C'est bon de voir des gens du monde extérieur. » Confinée pendant treize des dix-neuf dernières années derrière les murs de sa maison délabrée, au bord du lac Inya, Aung San Suu Kyi se doute que, comme plus de 2 000 de ses compatriotes, elle ne reverra pas le « monde extérieur » de sitôt.
L'ambassadeur de Chine, Ye Dabo, n'a pas eu à se poser l'épineuse question - se lever ou non ? - puisqu'il avait choisi de ne pas venir. Il est pourtant, théoriquement, un homme-clé dans cette affaire. Car devant la regrettable absence de leviers de la communauté internationale sur la junte birmane, tous les yeux se tournent vers Pékin. Seul, pense-t-on, le grand voisin chinois est susceptible de faire entendre raison, ou tout au moins d'arracher quelques concessions, dont la clémence pour Aung San Suu Kyi, aux généraux de Naypyidaw. Pourquoi ?
Parce que la Chine n'est pas seulement le premier fournisseur d'armes, de chars et d'avions à un pays qui compte 400 000 militaires, elle en est aussi un partenaire économique essentiel. La Birmanie est un de ces « Etats-clients » de la Chine, avec lesquels Pékin noue des liens économiques si étroits qu'une relation d'interdépendance durable se crée. Alors que la répression brutale du mouvement des moines, en septembre 2007, accentuait le statut de paria de la Birmanie, plaçant les rares investisseurs occidentaux sur la défensive, les relations commerciales entre la Chine et Myanmar, elles, s'intensifiaient : selon des sources officielles chinoises, le commerce bilatéral a augmenté de 26,1 % en 2008 par rapport à 2007. Les importations chinoises de Birmanie ont crû de 71,2 % pendant cette période.
Le fleuron de cette relation économique privilégiée est un gigantesque projet d'oléoduc et de gazoduc, qui a été finalisé en mars. Aux termes de cet accord, la Chine et la Birmanie doivent commencer, au premier semestre, la construction d'un oléoduc qui reliera Kunming, la capitale de la province chinoise du Yunnan, frontalière avec la Birmanie, au port de Kyaukpyu, sur le golfe du Bengale, à l'autre bout de la Birmanie. Cet oléoduc, doublé d'un gazoduc, devrait pénétrer plus avant sur le territoire chinois, traverser la province du Guizhou pour atteindre la mégapole de Chongqing. Pour la Chine, l'intérêt de ces pipelines est énorme : ils lui permettront d'approvisionner le sud-ouest chinois par l'Océan indien, en évitant le passage des pétroliers par le détroit de Malacca, par lequel transitent actuellement 80 % de ses importations de pétrole. La presse japonaise a évalué le coût du gazoduc à 1 milliard de dollars (720 millions d'euros) et celui de l'oléoduc à 1,5 milliard. Pour compléter le tableau, c'est une société chinoise qui a été retenue en décembre 2007, au grand dam de l'Inde, pour l'extraction du gaz naturel d'un champ offshore au large de la Birmanie. L'Inde, voisine occidentale de la Birmanie, ne saurait être lésée; elle a aussi ses deals et ses projets, qui lui permettent accessoirement de désenclaver sa région nord-est.
La Chine est également très présente dans le secteur minier : en avril, le géant minier China Nonferrous Metal Group s'est engagé à exploiter un gisement de ferronickel dans le nord de la Birmanie. La mise en service de cette mine, si l'on en croit ses responsables, devrait augmenter de 2 % le PIB birman.
De très rares optimistes, parmi les experts, estiment que Pékin peut, à l'occasion, faire pression sur la junte et aurait ainsi obtenu que la détention du général Khin Nyunt, écarté du pouvoir en 2004, soit transformée en assignation à résidence. Certains relèvent un changement de ton et veulent voir un avertissement dans la demande de « réconciliation nationale » exprimée par la Chine aux dirigeants birmans. Reste à savoir si, aux yeux de Pékin, Aung San Suu Kyi et ses 2 000 compagnons d'infortune pèsent autant que le général Khin Nyunt.
POST-SCRIPTUM.
Il y a trois ans, le 29 mai 2006, un forage maladroit provoquait l'éruption d'un volcan de boue souterrain à Sidoarjo, dans l'est de Java, en Indonésie. Depuis, la boue n'a cessé de se répandre, provoquant l'évacuation de plus de 15 000 habitants. Aucun des experts consultés n'a trouvé la solution pour arrêter l'éruption, et la boue, chaude et nauséabonde, continue de surgir. Mercredi 27 mai, des milliers de sinistrés ont défilé pour réclamer le paiement de leur indemnisation à la compagnie pétrolière locale, Lapindo, qui effectuait le forage.
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2 commentaires:
interessant de savoir tout cela plusparticulierement :
"Il y a trois ans, le 29 mai 2006, un forage maladroit provoquait l'éruption d'un volcan de boue souterrain à Sidoarjo, dans l'est de Java, en Indonésie. Depuis, la boue n'a cessé de se répandre, provoquant l'évacuation de plus de 15 000 habitants. Aucun des experts consultés n'a trouvé la solution pour arrêter l'éruption, et la boue, chaude et nauséabonde, continue de surgir"
La preuve que tu ne lis pas les articles auxquels tu laisses tes commentaires à la con... la partie citée n'est qu'un "post scriptum" d'un article sur Aung San Suu kyi.
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