mardi 3 novembre 2009

BELGIQUE - Cinq spectacles pour découvrir diverses facettes du théâtre chinois

Le Soir - 1E - CULTURE, mercredi, 4 novembre 2009, p. 32

La Chine entre en scène au National

Sourire aux lèvres, solide poignée de main, Pu Cunxin débarque dans la petite alcôve du restaurant où nous conversons avec le metteur en scène Lin Zhaohua. Quelques minutes plus tôt, un responsable du ministère de la Culture chinois était venu nous prévenir : « Hamlet vient d'arriver, Hamlet est là ! »

Difficile de voir dans ce grand gaillard détendu la figure sombre et torturée du héros shakespearien. C'est pourtant bien lui qu'on peut voir sur les grandes affiches qui annoncent le spectacle à Pékin. Et c'est lui qu'on retrouvera dans quelques jours, à l'affiche du Théâtre National qui accueille durant le mois de novembre pas moins de cinq spectacles chinois.

Théâtre d'ombres, théâtre de marionnettes et opéra seront au rendez-vous. Mais le plus intrigant est sans doute ce Hamlet que Lin Zhaohua monte pour la deuxième fois après en avoir fait un triomphe en 1990 dans une version qui entendait montrer que cette icône du théâtre occidental n'est après tout qu'un être humain comme chacun de nous.

Pour l'instant, dans la moiteur d'une fin de matinée pékinoise, Pu Cunxin s'installe face à nous et entame la conversation tandis que son metteur en scène s'éclipse. D'emblée, on est frappé par sa décontraction et cette voix profonde, qui capte l'attention de tous ses auditeurs.

Shakespeare aujourd'hui

« Mon parcours n'est pas tout à fait conventionnel, explique-t-il. Je n'ai pas reçu de formation mais mon père est acteur. J'ai grandi dans cet univers. Par ailleurs, si je n'ai pas étudié le théâtre, je n'ai pas non plus étudié les langues étrangères. Je dois donc me concentrer sur le chinois... où je ne suis déjà pas très bon. Quant à cette voix, elle me vient de mon père, tout simplement. »

Avec humour et simplicité, Pu Cunxin évoque son travail et la personnalité de son metteur en scène. « C'est avec Lin Zhaohua que le nouveau théâtre chinois a commencé dans les années 80. Il a essayé des tas de choses différentes et il en a éliminé presque autant au fil du temps. La pièce que nous jouons est évidemment un grand classique. Lin Zhaohua la monte de manière réaliste avec plein de petits détails importants, dans les décors notamment. »

Acteur tout terrain, Pu Cunxin est l'une des vedettes de la scène chinoise et apparaît aussi à la télévision comme le montre l'excitation de quelques jeunes filles à son arrivée. « J'aime jouer des classiques mais je préfère les pièces d'aujourd'hui, les auteurs contemporains, sourit-il. Ici à Pékin, le public aime beaucoup les formes contemporaines. »

Cela tombe bien. Même lorsqu'il monte un classique, son metteur en scène, Lin Zhaohua le fait de manière très actuelle. « Il déteste ceux qui en font trop. Il aime le côté naturaliste, simple et épuré. Il y a pour cela un mot chinois qui signifie « retour à l'essence des choses ». C'est cela qu'il cherche et non pas à penser exagérément et à se compliquer la vie. Pour le texte de Shakespeare par exemple, tout est simple, dépouillé, à commencer par les costumes. En fait, on montre clairement qu'il s'agit d'un jeu, que nous sommes au théâtre et pas dans la réalité. »

Avant Hamlet, Lin Zhaohua ouvrira le programme de théâtre d'europalia.china au Théâtre National dès ce vendredi avec Parodie, adaptation à la scène du roman de Lu Xun. « Le texte sera traduit en direct tandis que les acteurs joueront en chinois, explique-t-il. Il est impossible d'utiliser les surtitrages habituels car il ne s'agit pas vraiment d'un texte établi mais plutôt d'une confrontation directe avec les acteurs. Cela n'a rien à voir avec le théâtre occidental. C'est plus proche d'un croisement entre l'opéra chinois et le théâtre contemporain. » A découvrir.

JEAN-MARIE WYNANTS

© Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2009

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