mardi 17 novembre 2009

EN MARGE - Pourquoi les commerçants italiens vont détester les Chinois

Les Echos, no. 20553 - Dernière, mardi, 17 novembre 2009, p. 20

Les Américains ne sont pas les seuls à louer le rôle des Chinois dans l'économie mondiale, à la faveur de la visite à Pékin de leur président, Barack Obama. Voilà que les Italiens envisagent de s'inspirer d'un système qui a fait ses preuves dans l'Empire du Milieu pour lutter contre l'évasion fiscale : le « gratte et gagne ». L'histoire est extravagante. De retour d'un voyage en Chine fin septembre, Luigi Colombi, un entrepreneur de Lainate, dans la banlieue de Milan, a raconté à la télévision avoir découvert là-bas qu'au restaurant, l'addition était souvent accompagnée d'un jeu de hasard. Au moment de payer son canard laqué et son riz gluant, le client a la possibilité de gratter le ticket de caisse et, qui sait, de gagner le gros lot. Est-ce le fait d'avoir vu Luigi Colombi brandir quelques exemplaires de ce jeu original devant les caméras de Canale 5, s'interrogeait ce week-end le très sérieux « Corriere della Sera » ? En tout cas, à Rome, certains députés de la majorité ont immédiatement compris l'intérêt de la chose.

En clair : si le consommateur a la possibilité de gagner de l'argent au moment de payer, il aura intérêt à réclamer son ticket de caisse. Le restaurant ou le magasin se trouvera donc incité à enregistrer le montant de l'addition_ et à payer ensuite ses impôts. Eurêka ! On imagine la portée de la chose en Italie, où le travail au noir représente plus de 15 % du PIB national, selon le président de la Banque d'Italie, Mario Draghi. Et où, autre détail qui a son importance, les gens sont particulièrement accros aux jeux de hasard : 70 % des Italiens sont des habitués du vidéo-poker, 20 % d'entre eux s'adonnent aux jeux de grattage et 10 % jouent au Loto, indique le Centre de Recherche National de Pise.

Pour le ministère de l'Economie, il pourrait y avoir là de quoi rapporter autant, sinon plus, que les 5 milliards d'euros attendus de l'amnistie fiscale accordée jusqu'au 15 décembre aux contribuables, en échange du rapatriement de leurs avoirs placés à l'étranger. Coup de chance, le projet de budget pour 2010, qui vient d'être adopté au Sénat, arrive en discussion à l'Assemblée nationale la semaine prochaine. D'après l'agence Ansa, les députés téléspectateurs auraient bel et bien l'intention de déposer un amendement à la loi de finances pour imposer le « gratte et gagne » sur les tickets de caisse des supermarchés. Révolutionnaire, non ?

GUILLAUME DELACROIX (À MILAN)

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