lundi 23 novembre 2009

INTERVIEW - Olivier Blanchard : " L'économie mondiale est entrée en convalescence "

Le Monde - Economie, mardi, 24 novembre 2009, p. 17

La conjoncture économique de la planète s'améliore, mais le Fonds monétaire international (FMI) juge que la reprise n'est pas encore solide, faute de consommation et d'investissements. Olivier Blanchard, le chef économiste du Fonds, demande aux gouvernements de ne pas retirer les perfusions qu'ils administrent à leur économie et à leur système financier.

EXTRAIT :

Une partie de la crise est due au déséquilibre entre une Amérique qui dépense et emprunte trop et une Chine qui consomme et importe trop peu. Pourquoi la correction n'est-elle pas plus rapide ?

Une croissance mondiale soutenue nécessite au moins trois conditions. Une épargne plus élevée des consommateurs américains. Une réduction du déficit budgétaire des Etats-Unis. Et une diminution du surplus de la balance commerciale chinoise.

La première condition est réalisée : Les consommateurs américains, contraints et forcés, ont restreint leurs dépenses. Il faut maintenant que les deux autres conditions se réalisent. Ce n'est pas évident à faire, mais tant qu'elles ne le sont pas, la croissance mondiale sera en danger.

INTÉGRALITÉ :

Comment se porte l'économie mondiale ?

Nous avons évité la catastrophe. Nous prévoyons que la croissance sera positive en 2010 dans les économies avancées, peut-être un peu plus de 1,5 %, avec quelques bonnes nouvelles dans tel ohu tel pays. Le chômage continuera pourtant à croître durant une bonne partie de l'année. Dans les pays émergents, nous prévoyons que la croissance sera de 5 % à 6 % en moyenne. Certains de ces pays risquent de connaître des mouvements de capitaux, des accumulations de réserves et des bulles qui seront difficiles à contrôler. Ce n'est pas encore la grande forme ! Mais nous sommes entrés en convalescence et c'est le mieux que nous puissions espérer après avoir frôlé la " Grande Dépression ".

Pourquoi demandez-vous aux gouvernements de ne pas cesser leurs plans de soutien ?

Nous sommes en présence d'une économie mondiale tirée par la reconstitution des stocks et de généreuses politiques budgétaires. Si l'on supprimait celles-ci, l'économie retomberait en crise. La condition d'une croissance durable dépend du retour de la consommation privée et des investissements. Or nous savons que, dans les économies avancées, la demande et les investissements résidentiels ou non résidentiels demeureront faibles un certain temps.

A quand le démantèlement des aides aux économies et au secteur financier ?

Nous avons recommandé au G20, qui nous avait posé cette question, premièrement, qu'il n'y ait pas d'engagement précis en terme de dates; deuxièmement, de commencer par réviser leurs politiques budgétaires, car il leur sera très difficile de passer de déficits importants à des excédents primaires substantiels. Après, il sera temps de revenir à des politiques monétaires moins accommodantes.

En matière financière, il faudra retirer en douceur les garanties données aux banques sur leurs passifs, une fois que les dangers de faillite s'estomperont. Ce retrait sera pratiqué par tous les pays en même temps pour éviter des distorsions de concurrence.

Une partie de la crise est due au déséquilibre entre une Amérique qui dépense et emprunte trop et une Chine qui consomme et importe trop peu. Pourquoi la correction n'est-elle pas plus rapide ?

Une croissance mondiale soutenue nécessite au moins trois conditions. Une épargne plus élevée des consommateurs américains. Une réduction du déficit budgétaire des Etats-Unis. Et une diminution du surplus de la balance commerciale chinoise.

La première condition est réalisée : Les consommateurs américains, contraints et forcés, ont restreint leurs dépenses. Il faut maintenant que les deux autres conditions se réalisent. Ce n'est pas évident à faire, mais tant qu'elles ne le sont pas, la croissance mondiale sera en danger.

Parmi les risques futurs, de nombreux analystes citent l'inflation. La redoutez-vous ?

Je ne suis pas très inquiet. Les banques centrales peuvent relativement facilement diminuer la masse monétaire et la taille de leur bilan. Et si c'est nécessaire, elles peuvent augmenter les taux d'intérêt, même si la taille de leur bilan reste large, en augmentant par exemple le taux d'intérêt qu'elles paient sur les réserves bancaires.

L'énorme flux de devises vers les pays émergents n'est-il pas l'autre danger ?

Ces pays ont des taux d'intérêt plus élevés que les pays avancés et des pressions s'exercent sur leur taux de change, alors qu'ils ne sont pas encore au mieux de leur forme. Le Brésil ne peut vivre que mal l'appréciation de son real quand le yuan baisse avec le dollar.

Toutes les thérapeutiques présentent des inconvénients. Ces pays peuvent baisser leur taux, mais cela risque de trop stimuler la demande. Ils peuvent accumuler des réserves comme beaucoup d'entre eux le font en ce moment. Ils peuvent utiliser les contrôles sur les flux de capitaux.

Le directeur général du FMI évoque la possibilité pour le Fonds de devenir le prêteur en dernier ressort de la planète. Possible ?

Au printemps, nous avons créé une " ligne de crédit flexible " qui permet d'attribuer sans conditions une ligne de crédit, à un pays qui conduisait une politique saine avant la crise. Le Mexique s'est vu garantir 47 milliards de dollars et la Pologne 21 milliards. Cela a rassuré les marchés et les investisseurs n'ont pas fui ces pays.

Nous étudions maintenant la question de savoir s'il est possible d'étendre ce système, si l'on pourrait par exemple remplacer les lignes de crédit accordées de façon bilatérale par les banques centrales par un système de lignes de crédit multilatérales. Nous présenterons nos conclusions au printemps.

Le système monétaire international est malade. Verra-t-on les Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI prendre la place du dollar et l'or revenir en force ?

Les DTS ne peuvent jouer qu'un rôle limité. Ils sont une ligne de crédit donné à tous les membres du Fonds sur laquelle ils peuvent tirer sans condition. Je ne nous vois pas vouloir augmenter considérablement le montant de crédit inconditionnel à des pays dont la politique n'est pas optimale.

La majorité des gens et des pays continueront à détenir des actifs en dollars parce que le marché américain est le plus liquide et le plus efficace. Certes, on s'achemine vers une diversification des devises dans les réserves nationales - et c'est souhaitable - mais il n'y aura pas d'effondrement du dollar.

Quant à l'or, le FMI est satisfait d'avoir vendu une partie de son stock sans déprimer le marché. Pour le reste, l'or est un phénomène mineur. Que peut-on faire avec un lingot chez l'épicier ?

Propos recueillis par Alain Faujas

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