Ancien président du directoire de Carrefour, José Luis Duran, 44 ans, a repris en juillet la tête de Devanlay, partenaire licencié mondial de Lacoste pour sa gamme de vêtements. En juin 2010, il gérera aussi les autres marques (Aigle, Gant et Parashop). Il compte développer l'e-commerce et concentrer l'investissement sur la Chine et le Brésil.
Est-il possible d'adapter à Lacoste certaines méthodes de la grande distribution ?
Nos expériences sont complémentaires. Lacoste est une marque forte, enracinée, qui contrôle sa production de A à Z, ce que très peu de marques françaises font, hormis Petit Bateau. La cartographie de la production est et restera essentiellement française. Devanlay reste le premier employeur de Troyes, avec plus d'un millier de salariés. Si nous utilisons des outils industriels au Pérou, en Chine, au Maroc, en Tunisie et en Roumanie, c'est pour servir les pays proches de ces zones de production. Surtout connu comme outil industriel, Lacoste a radicalement changé de modèle commercial en décidant, voici sept ans, de contrôler ses boutiques. Sur les 1 100 points de vente dans le monde, la moitié est détenue en propre, l'autre en franchise. J'essaie d'apporter au groupe une vision plus internationale, de diversifier les canaux de ventes. La culture d'une entreprise, ça ne se change pas en trois mois.
Quand pourra-t-on acheter un polo Lacoste sur Internet ?
Aux Etats-Unis, c'est possible. Notre outil Internet, qui ne livre qu'aux Etats-Unis, représente l'équivalent en chiffre d'affaires de la plus importante boutique des Etats-Unis. Avec une rentabilité à deux chiffres. Internet est un réel levier de croissance. Nous pensons lancer un site pour les clients français en juin 2010, avant d'arriver en fin d'année en Italie, en Allemagne, au Japon et en Corée, dans des marchés mûrs. Internet sera le plus grand showroom - l'offre sera dix fois plus importante qu'en magasin (dont la surface moyenne est de 97 m2). L'idée est d'obtenir un volume d'affaires comparable à celui du magasin des Champs-Elysées, de Regent Street à Londres...
Quels sont les autres leviers de croissance ?
Les produits. Sur 3 600 références, le produit icône - le polo - ne représente que 20 % des ventes. Il s'en est vendu 13,7 millions dans le monde l'an dernier. En termes de reconnaissance, le polo est le plus cité, à 90 %, par les clients. Même en période de crise, nous devons travailler sur la recherche et l'innovation. Cela paie. On a osé un polo jaune, vert et rose fluo : c'est la rupture de stock. L'innovation technique, la recherche sur les nouvelles matières (plus 1 % de notre chiffre d'affaires) se fait à plus long terme, sur quatre ou cinq ans. La société qui investit le plus en France dans ce domaine, c'est Décathlon. C'est une stratégie payante.
Quelles sont vos priorités au niveau international ?
Selon chaque pays, on doit se donner les moyens de répondre à tous les clients, en boutique, dans les grands magasins, sur Internet. Nous sommes déjà présents dans 113 pays, mais nous voulons nous renforcer sur les pays émergents. A l'avenir, 30 % de nos investissements seront focalisés sur la Chine - où nous ouvrirons 80 boutiques en 2010 - et sur le Brésil, où nous visons 30 à 40 nouveaux points de vente. Il y a quinze pays dans lesquels nous ne sommes pas assez implantés, comme l'Indonésie, l'Inde, la Mexique ou la Turquie... Nous comptons fermer deux ou trois boutiques au Japon; ouvrir des magasins de démarque aux Etats-Unis. Adopter une gestion moins statique des magasins.
Comment Lacoste a-t-il été touché par la crise ?
La marque n'a pas été immunisée, même si elle est plus résistante que beaucoup d'autres. La Chine, la Corée, le Brésil mais aussi les Philippines ou l'Argentine ont connu des croissances à deux chiffres. La France a été peu touchée, mais les Etats-Unis ont souffert (- 20 %), l'Allemagne devrait être légèrement en négatif.
Avez-vous réduit vos équipes aux Etats-Unis ?
On les a restructurées. Là où il y avait cinq vendeurs en boutique, on en a conservé deux. En Europe, en revanche, les effectifs augmentent de 300 à 400 personnes chaque année. L'outil industriel est intact.
Quelles sont les prévisions pour 2009 et 2010 ?
Le chiffre d'affaires de Lacoste SA avoisinait 1,5 milliard d'euros en 2008. Le groupe, géré de façon prudente, continue de générer du cash flow - flux de trésorerie disponible - . Ce qui permettra de profiter d'opportunités immobilières pour créer des boutiques. De ne pas sacrifier la croissance future, au Brésil et en Chine, ni la mise sur les rails du e-commerce. On radicalise nos choix, on choisit nos batailles.
Comment luttez-vous contre la contrefaçon ?
Lacoste fait partie des trois marques les plus imitées dans le monde. Est-ce qu'on peut éradiquer la contrefaçon ? Non. Nous collaborons, avec d'importants moyens, avec les autorités locales, les douanes. Nous sommes copiés partout, dans toute l'Asie, les pays de l'Est, en Amérique latine. Ce n'est pas une exclusivité chinoise.
Propos recueillis par Nicole Vulser
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