mercredi 30 décembre 2009

INTERVIEW - " J'ai fait des recherches pour rendre les crimes crédibles "

Le Monde - Culture, mercredi, 30 décembre 2009, p. 17

Né en 1972 à Macao (Chine), étudiant en art et en dessin, Soi Cheang s'installe à Hongkong en 1992, où il devient réalisateur et producteur de films. Son premier long-métrage, Diamond Hill (2000), est une histoire d'inceste sur fond d'horreur. Présenté, en septembre, en compétition au Festival de Venise, Accident est son dixième film, et le premier à sortir en France.

" Accident " est produit par Johnnie To. Vous avez déjà travaillé avec lui sur plusieurs films. Quelle est votre relation ?

J'ai rencontré Johnnie To en 2002. J'avais déjà réalisé deux films mais j'ai ressenti le besoin de mieux apprendre ce métier. J'ai été son assistant réalisateur et nous avons développé une relation de confiance et d'amitié. J'ai ensuite recommencé à faire des films de mon côté. Quand il a vu mon film Dog Bite Dog, en 2006, il m'a appelé pour me dire qu'il voulait produire le prochain. C'est comme ça que je suis entré chez Milkyway, sa société de production. Il m'a promis beaucoup de liberté, et surtout de temps. Le tournage d'Accident - cinquante jours - s'est étalé sur dix-sept mois. J'avais un peu plus d'argent que pour mes films précédents. De tous les points de vue, c'était beaucoup plus confortable que pour Dog Bite Dog par exemple, que j'avais tourné en vingt jours.

Quel type de producteur Johnny To est-il ?

Je le considère comme très bon. Il m'a donné beaucoup de conseils, mais ne m'a obligé à rien. Il m'a aidé sur le choix des acteurs, sans jamais me mettre de pression comme le font les producteurs. J'ai appris avec lui à être précis, à travailler les détails, le rythme. J'ai fait beaucoup de recherches pour arriver à rendre les crimes crédibles. J'ai analysé les personnalités aussi. Contrairement aux films de Johnnie To, qui sont de purs thrillers, le rythme d'Accident est plus déterminé par la personnalité des protagonistes. C'est plus lent.

Au début du film, on reconnaît Lam Suet, un des acteurs fétiches de Johnnie To. Avez-vous récupéré toute son équipe ?

Certains acteurs seulement. Sinon j'ai travaillé avec mes collaborateurs habituels. Lam Suet est un cas particulier, c'est un très bon acteur, mais qui sait aussi mettre en valeur les autres.

Vous avez aussi travaillé avec le cinéaste Ringo Lam, un autre proche de Johnnie To.

Il compte beaucoup pour moi. Quand j'étais jeune, le premier film qui m'a vraiment ému était City on Fire (1987). Et puis j'ai été son assistant. Il m'a appris le métier à une époque où un film se faisait en deux mois à Hongkong, depuis l'écriture jusqu'à la post-production. Avec lui, j'ai appris à faire un film en un an, à m'investir et à faire en sorte que l'équipe porte le projet avec moi. Chaque fois que je finissais un film, je le lui montrais. Lui et Johnnie To sont mes maîtres.

Avez-vous fait une école de cinéma ?

Ça n'existait pas à l'époque, ou alors comme matière secondaire, dans certains cursus universitaires. Mais je n'ai pas eu la chance d'aller à l'université. Je me suis arrêté aux études secondaires. J'ai appris le cinéma sur le tas. J'ai lu beaucoup de livres, vu beaucoup de films. Toutes mes connaissances viennent du concret.

La scène où les personnages construisent la maquette d'un carrefour du centre d'Hong-kong pour préparer le meurtre du vieil homme sous la pluie est très réussie. D'où est venue l'idée d'utiliser de vieilles cassettes vidéo pour figurer les immeubles ?

L'idée de la maquette est venue de la production. Je pensais faire travailler les personnages à partir d'une grande carte. La veille du tournage, la production m'a procuré ce stock de cassettes, mais ça aurait pu être autre chose. J'ai trouvé cela chouette en tout cas. On a ajouté un paquet de cigarettes, un pion de mah-jong, des vieilles choses qui ne servaient plus à rien, et voilà !

Et les cerfs-volants que les tueurs utilisent pour maquiller leur crime en accident ?

C'est une idée du scénariste, que j'ai trouvée poétique. Ça traduit une idée de solitude.

La partie du film qui se passe dans l'appartement, quand le personnage principal sombre dans la paranoïa en surveillant l'appartement voisin, fait penser à " Conversation secrète ", de Coppola. Est-ce une référence que vous aviez en tête ?

C'est un film que j'aime beaucoup. Mais, pendant le tournage, je n'y ai pas pensé.

Propos recueillis par Isabelle Regnier

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