mercredi 9 décembre 2009

La polémique sur les crédits carbone chinois pèse sur Copenhague - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20569 - International, mercredi, 9 décembre 2009, p. 8

Les Nations unies ont refusé d'intégrer une dizaine de projets de parcs éoliens chinois aux mécanismes de développement propre. L'institution, en soupçonnant la Chine d'avoir manipulé certains prix, provoque l'ire des autorités de Pékin.

Une nouvelle polémique impliquant la Chine pourrait compliquer dans les prochains jours les pourparlers à Copenhague. Depuis la semaine dernière, experts occidentaux et officiels de Pékin se déchirent publiquement sur les conditions d'application, en Chine, des mécanismes de développement propre (MDP) prévus par le protocole de Kyoto mais remis en cause dans les coulisses de la conférence par des spécialistes soupçonnant le pays d'avoir abusé de ce complexe système d'aides financières.

Avec ce programme, les entreprises des pays développés peinant à réduire leurs émissions dans leurs usines peuvent compenser, par le biais d'un système d'échanges de crédits carbone, une partie de leurs rejets en investissant dans des projets propres lancés dans les pays en développement. Premier émetteur mondial de CO2, la Chine a très tôt compris les avantages de ce mécanisme qui lui permet de faire financer, une partie de ses programmes de constructions de barrages hydroélectriques, de fermes éoliennes ou de destruction de gaz polluants. Mais cette vague de financements, estimée chaque année à plusieurs centaines de millions de dollars, pourrait se tarir.

Complicité du gouvernement

Vendredi dernier, l'Executive Board, le bureau des Nations unies régissant l'ensemble du programme, a, en effet, refusé de valider 9 projets montés par des groupes chinois prévoyant de construire des parcs éoliens, les accusant d'avoir, avec la complicité du gouvernement, altéré leurs plans financiers pour être retenus. Pour être intégrés au mécanisme, les électriciens, entreprises ou collectivités des pays en développement doivent, en effet, démontrer que leur projet industriel ou énergétique va correspondre à une réduction d'émissions de gaz à effet de serre et également prouver qu'il ne serait rentable que s'il générait des crédits carbone échangeables sur les marchés internationaux -1 crédit carbone, qui représente l'équivalent d'une tonne de CO2 économisée, s'échange actuellement à 12 euros pièce. Or, a indiqué l'Executive Board, les projets chinois rejetés auraient été tout à fait rentables seuls si Pékin n'avait pas baissé en juillet dernier ses subventions au rachat de l'électricité éolienne.

« Comme les Nations unies ne comprennent pas complètement les politiques chinoises, plusieurs des projets du pays ne peuvent être approuvés dans les délais », s'est emporté Sun Cuihua, le directeur des affaires climatiques de la NDRC, la puissante agence de planification du pays. Sur son site, l'agence affirme que « le processus d'établissement des prix de rachat de l'électricité éolienne dans le pays n'a strictement rien à voir avec le protocole MDP ». « C'est vrai que ce sont deux processus indépendants », confirme Yang Zhiliang, la présidente d'ACCORD Global Enviroment Technology, un cabinet qui aide les investisseurs à développer des projets MDP dans le pays. « De plus, le prix fixé par la NDRC n'est qu'une référence et, sur le terrain, nous n'avons pas constaté de baisse des prix de rachat de l'électricité éolienne », explique la spécialiste qui moque l'idée d'une « fraude » montée par Pékin. « L'argent généré par les crédits carbone est ridicule en comparaison des sommes dépensées par les autorités dans les projets de réduction des émissions. Jamais elles ne risqueraient de ternir leur réputation pour cela », analyse la spécialiste.

Pression

Confirmant la bonne foi chinoise, beaucoup d'experts étrangers estiment que cette récente polémique est en partie alimentée par les pays occidentaux qui vivent mal la percée de la Chine sur le marché des crédits carbone et réclament une remise à plat du système d'aide liant les pays riches et les pays pauvres. « Pour certains, ce débat est l'occasion, dans le cadre de Copenhague, de mettre un peu plus de pression sur la Chine qui est habilement devenue l'un des principales bénéficiaires du système », résume Antoine Van Innis, un trader de crédits carbone de GDF Suez. Ayant fait valider plus d'un tiers de l'ensemble des 1.900 projets enregistrés auprès de l'Executive Board, la Chine reçoit actuellement 48 % de l'ensemble des crédits venus des pays développés quand l'Afrique n'en touche, elle, que, ... 2 %.

PHOTO - COPENHAGEN, DENMARK - DECEMBER 08: Su Wei, Chief negotiator of China on climate change and deputy head of the Chinese Delegation to COP 15, addresses the media during the second day of the United Nations Climate Change Conference 2009 on December 8, 2009 in Copenhagen, Denmark. Politicians and environmentalists meet for the United Nations Climate Change Conference 2009 that runs until December 18 / Getty Images

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