Le plan de relance chinois dope les projets de construction, dont les petits propriétaires font les frais.
Les conflits liés aux expropriations sont en pleine recrudescence en Chine. Pour tenter d'y remédier, un nouveau projet de réglementation a été publié, vendredi 29 janvier, sur le site du bureau des affaires légales du Conseil d'Etat. Les citoyens sont invités à soumettre leurs commentaires par écrit jusqu'au 12 février. Les compensations seront désormais calculées en fonction des « prix du marché ». Les résidents ne pourront être expulsés avant la fin des procédures engagées devant la justice. Et la violence et les méthodes dissuasives, comme des coupures d'électricité ou d'eau, ne devront en aucun cas être employées contre eux.
Le temps presse. Le plan de relance chinois, censé empêcher toute déstabilisation sociale, produit l'effet inverse car il faut vite expulser pour lancer les infrastructures inscrites au budget. Les gouvernements locaux, qui tirent en Chine leurs revenus des ventes de terrain, cherchent à profiter de la bulle immobilière, alimentée par l'afflux d'argent frais dans les sociétés d'Etat ou assimilées. La flambée des prix nourrit en retour une anxiété croissante dans la population.
Immolation par le feu
Cette course infernale fait des victimes. Dans le Guangxi, à Lipu, un homme a été tué par la police le 12 janvier : des villageois opposés à la réquisition de leurs terres s'en étaient pris à un juge qui avait tranché en leur défaveur. Dans le Guangdong, à Yangshan, des batailles rangées entre des habitants résistant à la démolition de leur maison et la police ont fait plusieurs blessés, le 18 janvier.
En novembre 2009, l'acte de désespoir de Tang Fuzhen, une femme de 47 ans qui s'était immolée par le feu sur le toit de sa maison dans la banlieue de Chengdu - les images ont circulé sur Internet - avait ému l'opinion. Elle possédait une maison de trois étages, et y avait installé son entreprise. Les autorités locales souhaitaient construire à cet emplacement une route pour desservir une nouvelle centrale de traitement des eaux. Elles ont refusé de l'indemniser en prétextant l'absence de permis adéquats. Quand l'équipe de démolition a molesté sa soeur et sa nièce, Tang Fuzhen s'est donné la mort.
« En Chine, la notion d'expropriation est entendue comme un droit de recours à la force, au mépris de toute procédure », explique Chen Duanlong, un professeur de la faculté de droit de l'université de Pékin qui a publié avec quatre experts, début décembre, une lettre ouverte pour dénoncer le caractère non constitutionnel de la réglementation. « Pour que dans un rapport d'achat et de vente, le « vendeur » se suicide, c'est qu'il est dans une impasse. Que peut faire un propriétaire chinois mécontent ? Pétitionner ? C'est voué à l'échec. Porter plainte ? Le système judiciaire est contrôlé par le pouvoir qui exproprie. Le résultat est que les gens se tournent vers la violence et les actes extrêmes » poursuit-il.
Pour M. Chen et ses confrères, il est nécessaire de refondre en profondeur la loi, dans la mesure où la notion de « prix du marché », telle qu'elle est spécifiée dans les nouvelles règles, ne vaut que si celui-ci est fixé par une entité indépendante. Selon le juriste, prohiber la violence contre des citoyens ne suffit pas, encore faut-il que ceux-ci disposent de possibilités de recours.
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