mercredi 3 mars 2010

Assemblée Nationale Populaire : une session tendue et sereine à la fois - E. Meyer

Editorial extrait du numéro 8 du Vent de la Chine, du 1er au7 mars 2010.

Avec ses 3000 édiles, le Plenum du Parlement (ANP) qui ouvre au Grand Palais du Peuple ce 5 mars, démarre plus qu’en d’autres années sous le signe d’un resserrement de discipline : effet Google sans doute, mais aussi rapprochement de la fin de la législature en 2012—le remplacement de l’équipe politique du Président Hu Jintao.

La guerre de succession est engagée. Hu veut imposer son héritage sans heurts. Fidèle à ses slogans de «petite santé» (小康 xiaokang), de «société harmonieuse» (和 谐 hexie), le tandem Hu-Wen lance policiers et médiateurs à travers le pays pour régler les disputes, épingler les délits, maintenir dormant toute velléité de réforme de fond.

A l’Assemblée nationale populaire, les lois de sécurité seront amendées pour imposer la sécurisation des locaux de firmes ou ministères où passent des données confidentielles. La loi du secret d’Etat définira ce dernier comme «tout sujet concernant la sécurité ou les intérêts de la nation, dont la révélation lui porterait atteinte en matière politique, économique ou de défense». Le secret d’Etat ne pourra être estampillé comme tel que par les niveaux central et provincial, et pour une seule durée de 30 ans.

Quoique d’essence civile, le Plenum reflète forcément les affaires du Parti et son visage présent. On y verra le tandem pour l’instant encore paisible des futurs leaders Xi Jinping (l’homme du Bureau Politique) et Li Keqiang (celui de Hu); l’autre couple rival de Bo Xilai, patron de Chongqing et chef du groupe des «petits princes» (enfants des leaders historiques), face à Wang Yang, patron de Canton et chef de la Ligue de la Jeunesse, fief de Hu Jintao.

On voit aussi la cohorte des cadres limogés pour incompétence puis repêchés, tels Meng Xuenong, ex-maire de Pékin (tombé en 2003 lors de l’épidémie de SRAS, nommé en janvier au Secrétariat du PCC) ou Li Changjiang, ex-patron de l’AQSIQ (l’administration pour le contrôle de la qualité, de l’inspection et de la quarantaine), chuté en 2008 suite au scandale du lait mélaminé, recasé dans la lutte anti-porno sur internet… A leur intention, l’ANP prépare une « loi de 2e chance », qui fait des remous.

En filigrane du Plenum se profile la 6e génération de leaders, de noms comme Hu Chunhua, 46 ans, secrétaire de Mongolie depuis décembre. Sous réserve d’inventaire, ils sont placés par Hu pour prendre le pouvoir en 2022… et contrebalancer l’équipe autour de Xi Jinping.
Les grands débats à attendre à l’assemblée pourraient faire l’impasse sur le changement climatique, et le deal offert par la Chine au Sommet de Copenhague : Hu Jintao vient de mettre un frein à la polémique intérieure, en déclarant au Bureau Politique que la Chine s’en tiendra à ses engagements (45% de baisse d’intensité carbonique d’ici 2020), ni plus (comme espéraient libéraux et écologistes), ni moins (espoir des conservateurs).

Révolution de palais: l’ANP va réserver le même nombre de sièges aux campagnes qu’aux villes, rompant l’actuel taux de 1:4. Enjeu: permettre aux fermiers d’exprimer leurs besoins, pour rattraper les villes dans la course à la richesse. En 2003, les 51% d’actifs ruraux généraient 16% du PIB...

Dans sa lutte anti-corruption, 1er sujet de colère populaire, l’ANP va adopter un code de conduite aux cadres du Parti communiste chinois (PCC), assorti de 52 comportements bannis. Mais on voit peu de chance pour que ce système, déjà « testé » depuis 1997, conjure le chancre de la corruption dans l’appareil…

Pour conclure, repenchons nous sur le plenum, et son obsession de contrôle social. Quand on parle en privé au politicien pourtant, l’impression est toute autre: celle de confiance débonnaire, d’un terrain social en pleine détente, où gagnent sans cesse liberté et tolérance, ainsi que les expériences audacieuses —à condition de ne pas les vanter.

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