La police a pris l'habitude d'inviter les contestataires à prendre le thé avant de les harceler.
La Chine, elle aussi, a son mouvement des « Tea Party ». Mais le concept diffère sensiblement du phénomène américain, ce mouvement de protestation conservateur né spontanément au printemps 2009 à travers l'Amérique, pour protester contre les plans de relance d'Obama et son projet de réforme de la santé. La « Tea Party » à la chinoise, a quelque chose de beaucoup plus policé, si l'on veut. Selon une délicate tradition, pour avertir un citoyen qu'il vient de franchir une ligne rouge, les services de sécurité l'invitent à prendre le thé. Ce moment convivial signifie le début des ennuis.
Ce petit « mouvement » a vu le jour en 2008, avec le harcèlement des signataires de la fameuse Charte 08, document appelant à des réformes politiques. L'affaire a pris un tour plus irritant pour les autorités chinoises, quand deux blogs au moins - « Drinking Tea Chronicles » - se sont créés pour recueillir les impressions de ces « invités », racontant parfois en quasi-direct la sollicitude dont ils font l'objet de la part de la police. À l'occasion de la dernière session annuelle du Parlement chinois, au début du mois, plus de 200 personnes ont relaté leur invitation à une « Tea Party ».
« Un sentiment de communauté »
Directeur du China Internet Project à l'université californienne de Berkeley, Xiao Qiang a confié à l'agence AP qu'il voyait là un rafraîchissant moyen pour ces Chinois à la voix dissonante - souvent sans antécédent politique - de se sentir moins seuls. « Les pratiques de contrôle visent à créer chez ces gens un sentiment de peur et d'isolement, estime-t-il, mais ce partage sur Internet leur permet de dépasser ces craintes, en leur donnant un sentiment de communauté. » Et l'on se retrouve au coeur des préoccupations de Pékin quant au verrouillage du Web, qui après avoir été vu comme une utile soupape pour la société civile, a fini par inquiéter pour ses capacités de propagation horizontale d'idées ou de mécontentements.
Parfois, les autorités sont encore plus prévenantes en jouant les tour-opérateurs. Avant le 20e anniversaire de Tiananmen, Bao Tong, l'ancien bras droit de Zhao Ziyang, le patron du PC « purgé » en 1989, a confié au Figaro avoir été « invité » à un voyage touristique en province. Ce vieil homme délicieux se disait très touché par l'attention.
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