samedi 17 avril 2010

Pour son régime de changes, Pékin doit s'inspirer de Singapour - Wei Gu

Le Monde - Economie, vendredi, 16 avril 2010, p. 16 Singapour se réduit à un point sur les cartes géographiques, mais en matière de politique économique, cela fait longtemps que cette cité-Etat fait figure de modèle de référence pour les pays d'Asie, Chine y compris. C'est la raison pour laquelle les investisseurs ont prêté une attention toute particulière à sa décision, mercredi 14 avril, de réévaluer sa monnaie d'environ 1,3 %.

Singapour a modifié la plage de variation de sa devise afin de contenir l'inflation importée. L'option n'est pas pertinente pour la Chine, où l'inflation est d'origine domestique et où la sous-évaluation du taux de change est plus accentuée. Pékin peut néanmoins tirer quelques enseignements utiles du cas singapourien, qui a la vertu d'assurer stabilité et flexibilité.

La Chine doit assouplir son régime de change pour réfuter les accusations de manipulation du cours du yuan dont elle a fait l'objet. D'un autre côté, elle n'est pas prête à voir sa devise fluctuer dans de trop grandes proportions. Le système singapourien a donc tout pour la séduire, puisqu'il s'appuie sur trois principes : référence à un panier de devises, définition d'un intervalle maximal de variation et opacité des paramètres.

Le dollar de Singapour est arrimé à un panier de devises qui prend en compte des taux de change effectifs, tout en restant encadré par une fourchette large de 4 %. Le contenu exact dudit panier reste cependant confidentiel, de même que les valeurs extrêmes autorisées. L'Etat singapourien peut à tout moment modifier le point médian de la fourchette : c'est ce qu'il vient de faire le 14 avril. Voilà comment la banque centrale s'est donné les moyens d'ajuster le taux de change, à la hausse comme à la baisse.

Réévaluation du yuan

Evidemment, on ne peut pas établir un parallèle aussi simple entre une cité-Etat et la troisième économie mondiale. Pour Singapour, le commerce extérieur représente le triple du produit intérieur brut (PIB). Il est donc nécessaire que le taux de change soit suffisamment souple pour assurer la stabilité des prix dans le périmètre national. Le besoin est moins impératif pour la Chine, dont les échanges extérieurs équivalent à la moitié du produit intérieur brut.

En outre, pour imiter Singapour, la Chine serait contrainte de procéder à une réévaluation ponctuelle du yuan, si elle veut que les transactions sur sa monnaie se fassent bien dans les deux sens. Aujourd'hui, elle impose que le yuan ne varie pas de plus de 0,5 % par jour face au dollar.

En définitive, la Chine a tout intérêt à étudier de près les mérites du mécanisme singapourien, elle qui cherche à assouplir son régime de change sans pour autant renoncer à la stabilité.

Sur Breakingviews.com

Wei Gu

(Traduction de Christine Lahuec)

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