mardi 26 octobre 2010

Dans l'ombre de la Chine, le Japon et l'Inde se rapprochent économiquement


Les Echos, no. 20792 - International, mardi, 26 octobre 2010, p. 8

Les Premiers ministres japonais et indien ont validé, hier soir, un vaste accord de partenariat commercial. En mettant en scène leur solidarité, les deux nations espèrent contrebalancer la montée en puissance de la Chine en Asie.

Programmée depuis des mois, l'annonce, hier à Tokyo, d'un vaste accord de partenariat commercial entre le Japon et l'Inde tombe à point pour les gouvernements des deux nations qui s'inquiètent de la récente poussée d'arrogance de leur puissant voisin chinois.

De passage pour trois jours dans la capitale nippone, Manmohan Singh, le Premier ministre indien, a validé dans la soirée, avec son homologue, Naoto Kan, la finalisation de la rédaction d'un accord de libre-échange, prévoyant l'abaissement graduel de plus de 90 % des taxes douanières entre les deux pays au cours des dix prochaines années, mais également un programme de facilitation des investissements bilatéraux. La signature officielle de cet « Accord de partenariat économique », qui doit encore être validé par le Parlement japonais, devrait être organisée au début de l'année prochaine. A terme, les producteurs japonais d'acier, de lecteurs DVD ou encore de pièces automobiles -notamment le constructeur Suzuki qui est très présent sur le marché indien -profiteront d'une réduction des droits de douane sur leurs exportations en Inde et pourront mieux concurrencer les entreprises sud-coréennes qui bénéficient, depuis le début de l'année, d'un accord de libre-échange bilatéral similaire.

Négocié depuis près de quatre ans, ce pacte doit donner une nouvelle dimension aux échanges entre les deux nations qui, malgré la taille de leurs économies respectives, peinent encore à décoller. Au cours du premier semestre de 2010, le Japon et l'Inde n'ont échangé que pour 7,7 milliards de dollars de marchandises quand, sur la même période, Tokyo recensait_ 176 milliards de dollars d'échanges avec la Chine, son premier partenaire commercial.

Après avoir longtemps cultivé cette priorité du marché chinois et, en conséquence, négligé le potentiel d'un marché indien de plus d'un milliard d'habitants qu'ils jugeaient compliqué, les groupes japonais pensent à réorienter progressivement leurs stratégies pour se protéger des éventuels coups de colère de Pékin.

Prêt à coopérer

Les responsables économiques et politiques nippons ont été très refroidis, depuis septembre, par la rapide détérioration des relations diplomatiques avec la Chine. Le régime communiste avait réagi très violemment à l'arrestation par les gardes-côtes japonais du capitaine d'un chalutier chinois. En représailles, Pékin a notamment décrété un douloureux gel des exportations de terres rares vers le Japon (voir ci-dessous).

Apparemment ravi de pouvoir venir en aide au Japon et de faire un pied de nez à la Chine dont il se méfie également, Manmohan Singh a expliqué que son pays était prêt à coopérer avec Tokyo pour la production de ces métaux stratégiques, si cruciaux pour nombre d'industriels nippons. Le leader indien espère convaincre, dans les prochains mois, le pouvoir japonais de rédiger un accord de coopération bilatérale dans le domaine du nucléaire civil. L'Inde qui compte se doter d'un important parc nucléaire d'ici à 2020 a besoin d'acquérir des technologies clefs et des matériels nucléaires civils nippons, mais se heurte aux réticences japonaises. Le Japon hésite à échanger son savoir-faire dans le secteur avec une Inde qui refuse toujours de signer le traité de non-prolifération.

YANN ROUSSEAU

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