Filiale de Richemont, le numéro deux mondial du luxe, Cartier, présent dans 50 pays, ouvre son 300e point de vente et son 9e à Hongkong. Bernard Fornas, son PDG depuis 2002, détaille la stratégie du groupe, notamment en Chine, un marché en pleine expansion.
Richemont a publié d'excellents résultats au premier semestre 2010 (+ 33 % pour le chiffre d'affaires, à 3,3 milliards d'euros, et + 87 % de bénéfices nets, à 644 millions d'euros). Pour les analystes, Cartier représente les trois quarts des profits et 65 % du chiffre d'affaires de sa maison mère. Qu'en est-il ?
Richemont ne détaille pas les résultats par marques. Tout ce que je peux dire c'est que Cartier est à Richemont ce que Louis Vuitton est à LVMH. C'est-à-dire le vaisseau amiral du groupe.
Comment avez-vous investi en Chine ?
Cartier y a été l'un des pionniers, en 1992, mais nous avons dû fermer six ans plus tard. Le pays n'était pas mûr du tout. Nous avons rouvert en 2000 et 2001, à Pékin et Shanghaï. Aujourd'hui, notre réseau compte trente-sept magasins. Nous avons réalisé ce chemin au galop, pour devenir le premier joaillier en Chine, présent dans vingt-deux villes.
Lors de mon dernier voyage, je suis allé dans dix-neuf villes en huit jours, depuis Harbin en Mandchourie, Hohhot - Mongolie-Intérieure - , à Hangzhou, où l'on trouve la plus grande concentration mondiale de voitures de luxe. Il y a potentiellement quarante villes où l'on peut être présent en Chine. De plus, ce que Cartier a semé sur le territoire chinois, il le récolte avec les 75 millions de touristes Chinois qui voyagent dans le monde entier.
Contrairement à Louis Vuitton, vous n'êtes pas installé à Oulan-Bator, en Mongolie. Pourquoi ?
Avec Vuitton, nous sommes très complémentaires. C'est une marque " trafic " - qui vise un public plus large - alors que Cartier est plus élitiste. En raison du développement pionnier de ces deux marques, nous sommes, en général, présents dans le monde aux mêmes endroits. A quelques exceptions près. Comme à Oulan-Bator, où nous considérons qu'il n'y a pas assez d'argent pour nous. A Almaty, au Kazakhstan, ou à Bakou (Azerbaïdjan), c'est l'inverse, il y a peu de " trafic " mais beaucoup d'argent. Vuitton n'y est pas, nous y sommes. En réalité, nous n'avons pas les mêmes clients. Le prix d'achat moyen de Vuitton est compris entre 500 et 700 euros, le nôtre est bien plus élevé : il faut compter entre 3 000 et 4 000 euros pour une montre.
Pourquoi êtes-vous si peu -présents au Brésil ou en Inde ?
Ce sont des pays riches, avec des développements économiques rapides mais l'existence de taxes douanières élevées nous ferme quelque peu ces deux pays. En Inde, Cartier bénéficie d'une image incroyable mais une montre y coûte 50 % de plus qu'à Dubaï. Un Indien l'achète donc quand il voyage. Au Brésil, c'est la même situation. Quand le niveau des taxes baissera à moins de 15 %, nous irons massivement.
Que représentent les ventes en ligne ?
Rien du tout. Elles ont démarré au Japon et aux Etats-Unis, mais les clients ont envie de toucher et d'essayer dans nos magasins.
Les ateliers ont-ils repris leurs cadences d'avant la crise ?
Pendant la crise, les achats se sont poursuivis chez les marques les plus reconnues. Une fois la crise terminée, elles sont sorties encore plus fortes. Je crois dur comme fer à ce dicton anglais : Don't spoil a good crisis (" ne gâchez pas une bonne crise ") ! Le luxe en connaît une presque tous les dix ans : 1981, 1992, 2001, 2010... On nous a proposé de vendre dans des hôtels. J'ai refusé pour ne pas diluer l'image du groupe. J'ai préservé le savoir-faire, poursuivi les commandes des ateliers sous-traitants, refusé de licencier. Une crise force à être réactif, flexible - réduire les cadences très vite, pour adapter le stock et préserver ses liquidités... Nous avons travaillé pour obtenir un délai de fabrication le plus court possible et mettre en place un réassort hebdomadaire dans toutes nos boutiques. Simplement parce que si le produit n'est pas là, dans 50 % des cas, la vente ne se fait pas.
Allez-vous délocaliser la production ?
A 99,9 %, notre fabrication est faite en France pour la joaillerie et en Suisse pour l'horlogerie. Il n'y a pas de raison que cela change. Nous avons une avance sur la qualité, la fiabilité, même les prix. Fabriquer un remontoir en Chine n'aurait pas de sens. Dans trente ans, on verra, je n'en sais rien.
Propos recueillis par Nicole Vulser
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