Condamné à deux ans et demi de prison, le 10 novembre, à Pékin, pour troubles à l'ordre public, le militant Zhao Lianhai, 38 ans, connu pour avoir mobilisé les parents des enfants victimes du lait frelaté en 2008, a commencé, lundi 15 novembre, son cinquième jour de grève de la faim, alors que s'organisent, dans les milieux associatifs, plusieurs actions de soutien.
Le verdict a provoqué l'indignation des parents et des principales figures du mouvement de défense des droits en Chine, qui ont lancé par solidarité une grève de la faim tournante. Peng Jian, l'un des avocats de Zhao Lianhai, a jeûné pendant trois jours et sera suivi par l'avocat Xu Zhiyong.
La condamnation du militant, père d'un garçonnet de 5 ans ayant eu des calculs dans les reins après avoir bu, bébé, de la poudre de lait coupée avec de la mélamine, un composé chimique qui permet de gonfler artificiellement la teneur en protéines d'un produit, est intervenue après ce que ses avocats dénoncent comme une mascarade de procès.
" Les faits qui lui sont reprochés sont d'avoir accepté des interviews sur la voie publique, d'avoir organisé un dîner avec des parents un an après le scandale et d'avoir brandi, devant le siège de la société Sanlu, des feuilles au format A4 sur lesquelles il demandait justice ", explique au Monde l'avocat Li Fangping, qui a représenté M. Zhao. " Or, devant la loi chinoise, ces faits ne sont pas répréhensibles ! Aucun des témoins proposés par la défense n'a été autorisé à se présenter à la barre ", poursuit l'avocat. Zhao Lianhai avait été arrêté en décembre 2009. Questions sans réponses
Le scandale du lait frelaté avait éclaté suite aux révélations de médias chinois juste après les Jeux olympiques de Pékin, en 2008. Il avait conduit à une mobilisation très rapide des avocats, notamment Li Fangping, pour aider et informer les parents des victimes. L'ampleur du drame (au moins six enfants morts et des dizaines de milliers malades, avec, pour certains, des séquelles à vie) poussa le gouvernement à ouvrir une enquête, et a désigner une vingtaine de coupables - dont deux furent condamnés à mort et exécutés - et à lancer un plan de compensation à destination des familles, jugé insuffisant.
Mais de nombreuses questions sont restées sans réponses aux yeux des parents. Zhao Lianhai, qui travaillait alors comme publicitaire et avait créé un site Internet pour échanger des informations, s'est improvisé porte-parole des victimes. Au fil des mois, les autorités ont durci le ton : la presse a été muselée et les familles intimidées. Les tribunaux ont reçu l'ordre de rejeter toute poursuite judiciaire relative au scandale. De nombreux parents ont cependant tenté, avec Zhao Lianhai, de faire entendre leur voix à l'extérieur des tribunaux où s'étaient tenus les procès des responsables de l'industrie laitière, aucune des familles n'ayant pu alors y participer.
Brice Pedroletti
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