Exclusif. George W. Bush publie d'étonnants Mémoires chez Plon. Morceaux choisis.
«Qui suis-je pour aller vers Pharaon et faire sortir d'Egypte les enfants d'Israël ? » : c'est en entendant ce sermon du révérend Mark Craig que George W. Bush comprit où était son destin. Le pasteur méthodiste de Dallas lui indiquait la voie : être une sorte de nouveau Moïse et devenir président des Etats-Unis. Les Mémoires de l'ancien hôte de la Maison-Blanche sont ainsi truffés de références religieuses. Avant de le mettre sur le chemin de Pennsylvania Avenue, Dieu lui avait déjà fait signe plusieurs fois. Il l'avait, notamment, guidé vers la rédemption en l'aidant à rompre avec la dive bouteille. Mais ce livre ne se limite pas à un plaidoyer pro domo sur fond de bigoterie évangéliste. Ecrit dans un style alerte, il est rempli d'anecdotes et très instructif sur la psychologie, les contradictions, les faiblesses et parfois la naïveté de celui qui dirigea la première puissance du monde pendant une période dramatique jalonnée par la tragédie du 11 Septembre et deux guerres, celle d'Afghanistan et celle d'Irak.
Bush junior est issu d'une famille patricienne où la politique est inscrite dans le patrimoine génétique : un grand-père sénateur, un père qui a été président. Ces Mémoires laissent pourtant transparaître une fragilité. L'insistance que met George W. Bush à démontrer qu'il a toujours été aimé par son papa, que ce dernier a invariablement approuvé ses décisions laisse songeur. La manière elliptique dont il parle de son frère Jeb, le favori des parents, est aussi révélatrice.
Le récit sans fioritures de la journée du 11 septembre 2001 et de la pagaille qui l'accompagne semble assez véridique.« Nous allons trouver ceux qui ont fait cela et leur botter le cul » : telle est, à ce moment-là, la première réaction du président. Sur l'Irak, la plus grosse erreur stratégique de ces dernières décennies, le propos est ambivalent.« Personne n'a menti, nous nous sommes tous trompés », dit-il au sujet des fantomatiques armes de destruction massive ayant légitimé l'intervention. Mais il ne renie pas toutes les fariboles proférées à cette occasion et assène, impavide : « L'Irak sera libre et le monde plus sûr. ». Pierre Beylau
EXTRAITS
La question était simple. « Est-ce que tu te souviens du dernier jour où tu n'as pas bu d'alcool ? » m'avait demandé Laura de sa voix calme, apaisante. Elle ne menaçait pas, ni ne me harcelait. Mais elle attendait une réponse. Mon épouse est le genre de personne qui choisit son moment. Comme celui-ci. « Bien sûr que je peux », avais-je rétorqué, indigné. Puis j'avais réfléchi à la semaine écoulée. J'avais bu quelques bières avec les copains lundi soir. Le mardi, je m'étais préparé mon digestif préféré : un B, Bénédictine et brandy. Mercredi, après avoir mis Barbara et Jenna au lit, j'avais bu un ou deux bourbons et des Seven. Jeudi et vendredi, c'étaient les soirées bière. Le samedi, Laura et moi étions sortis avec des amis. J'avais pris des Martini avant de dîner, des bières pendant le repas, et des B ensuite. Aïe, la première semaine, c'était raté.
(...) La petite question de Laura m'avait amené à m'en poser d'autres moi-même, et de plus grandes. Préférais-je rester à la maison avec nos filles ou sortir pour boire ? Préférais-je lire au lit avec Laura ou boire du bourbon seul une fois la famille couchée ? Pouvais-je continuer à me rapprocher du Tout-Puissant ou l'alcool était-il en train de devenir mon dieu ? Je connaissais les réponses, mais il était difficile de trouver la force de changer.
(...) Depuis des mois, je priais Dieu pour qu'Il me montre comment mieux être le reflet de Sa volonté. Ma lecture des Saintes Ecritures avait clarifié la nature de la tentation et le fait bien réel que l'amour des plaisirs matériels pouvait remplacer celui de Dieu. L'alcool n'était pas mon seul problème : l'égoïsme en était un autre. La bouteille me poussait à oublier les autres, surtout ma famille. J'aimais trop Laura et les filles pour l'accepter. La foi m'a montré le chemin. Je savais que je pouvais compter sur la grâce de Dieu pour m'aider à changer. Ce ne serait pas facile, mais à la fin de mon jogging, j'avais pris ma décision : j'arrêterais de boire.
Quand je suis rentré à l'hôtel, j'ai dit à Laura que je ne boirais plus jamais d'alcool. Elle m'a regardé comme si j'étais perdu dans les brumes de la beuverie. Puis elle m'a dit : « C'est bien, George. » Je savais ce qu'elle pensait. Il m'était déjà arrivé d'annoncer que j'allais arrêter, et il ne s'était rien passé. Ce qu'elle ne savait pas, c'était que, cette fois, j'avais changé à l'intérieur - et que cela allait me permettre de modifier mon comportement pour toujours.
PREMier jour à la Maison-Blanche
(...) Sur le mur [du Bureau ovale], un espace était réservé à celui que le président considérait comme son prédécesseur le plus influent. J'avais choisi Lincoln. C'était lui qui avait fait face à la mission la plus terrible qui pût incomber à un président, la sauvegarde de l'Union. D'aucuns me demandaient pourquoi je n'avais pas mis le portrait de papa à cet emplacement. « Le numéro 41 sera toujours dans mon coeur, disais-je. Le 16 est sur le mur. » (...)
Ma première décision dans le Bureau ovale fut de remplacer le fauteuil du bureau - une machine étrange qui vibrait quand on la branchait - par quelque chose de plus pratique. Puis la porte de la Roseraie s'était ouverte. J'avais levé les yeux. C'était papa.
« Monsieur le président », dit-il. Il portait un costume sombre, les cheveux encore humides après le bain qu'il avait pris pour se réchauffer.
« Monsieur le président », avais-je répliqué.
Il était entré dans le bureau, et j'avais contourné le bureau. Nous nous sommes rencontrés au milieu de la pièce. Aucun de nous n'a beaucoup parlé. C'était inutile. L'instant était plus fort qu'aucun de nous n'aurait pu l'exprimer.
11 septembre
Le mardi 11 septembre 2001, je me réveillai avant l'aube dans ma suite au Colony Beach and Tennis Resort, près de Sarasota, en Floride. Je commençai la matinée en lisant la Bible, puis je descendis courir. Il faisait encore nuit noire quand j'entamai mon jogging autour du parcours de golf. Les agents des services secrets s'étaient faits à mes habitudes; les gens du coin, eux, durent trouver ce footing dans le noir un peu bizarre.
De retour à l'hôtel, je pris une douche rapide, avalai un petit déjeuner léger et feuilletai les quotidiens du matin. La plus grande nouvelle, c'était Michael Jordan qui sortait de sa retraite pour rejoindre la NBA. D'autres titres s'intéressaient aux primaires pour les municipales de New York et à l'éventualité d'un cas de vache folle au Japon.
Vers 8 heures, j'eus droit au briefing présidentiel quotidien (PDB). Le PDB, qui associait des renseignements d'un haut niveau de confidentialité et des analyses en profondeur de la géopolitique, était un des moments les plus fascinants de ma journée. Celui du 11 septembre, effectué par un brillant analyste de la CIA du nom de Mike Morell, couvrait la Russie, la Chine et le soulèvement palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Peu après le PDB, nous partîmes visiter l'école élémentaire Emma E. Booker pour mieux y défendre la réforme de l'éducation.
Sur le court trajet séparant notre cortège de la salle de classe, Karl Rove [secrétaire général adjoint de la Maison-Blanche] me signala qu'un avion s'était écrasé dans le World Trade Center. Cela paraissait étrange. J'imaginais un petit avion de tourisme, qui avait dû se perdre de façon dramatique. Puis Condi [Condoleezza Rice] appela. Je lui parlai sur une ligne sécurisée dans une salle de classe qui avait été convertie en centre de communications pour le personnel de la Maison-Blanche en déplacement. Elle me dit que l'appareil qui venait de frapper le World Trade Center n'était pas un avion de tourisme. C'était un avion de ligne.
Je fus éberlué. C'était le pire pilote du monde qui avait dû se trouver aux commandes. Comment avait-il pu percuter un gratte-ciel par un jour de beau temps ? Peut-être avait-il eu un infarctus. Je dis à Condi de se tenir au courant et demandai à Dan Bartlett, mon directeur des communications, de préparer une déclaration garantissant le soutien total des services de gestion des situations d'urgence.
Je saluai la directrice de Booker, une femme charmante, Gwen Rigell. Elle me présenta l'institutrice, Sandra Kay Daniels, et sa classe pleine de CE1. Mme Daniels entama un exercice de lecture. Au bout de quelques minutes, elle dit à ses élèves de prendre leurs manuels. Je sentis une présence derrière moi. Andy Card [chef de cabinet] rapprocha sa tête de la mienne et murmura à mon oreille.
« Un second avion vient de percuter la deuxième tour, dit-il en prononçant soigneusement chaque mot avec son accent du Massachusetts. L'Amérique est attaquée. »
J'éprouvai tout d'abord un sentiment d'outrage. Quelqu'un avait osé attaquer l'Amérique. Ils allaient le payer. Puis je vis les visages des enfants devant moi. Je pensai au contraste entre la brutalité des agresseurs et l'innocence de ces enfants. Des millions comme eux allaient bientôt compter sur moi pour les protéger. J'étais décidé à ne pas les abandonner.
J'aperçus des journalistes au fond de la salle, qui apprenaient la nouvelle sur leurs portables et leurs pagers. Mon instinct se mit en branle. Je savais que ma réaction serait filmée et diffusée dans le monde entier. La nation serait sous le choc; le président, lui, ne le pouvait pas. Si je quittais brusquement la classe, cela effraierait les enfants et émettrait des ondes de panique dans tout le pays.
La leçon de lecture se poursuivait, mais en esprit, j'étais bien loin de la salle de classe. Qui avait pu faire ça ? Quelle était l'étendue des dégâts ? Que devait faire le gouvernement ?
Ari Fleischer, mon attaché de presse, s'interposa entre les journalistes et moi. Il me montra un carton qui disait : « Ne dites rien pour l'instant. » Je n'en avais pas eu l'intention. J'avais choisi mon plan d'action : quand la leçon serait finie, je quitterais la classe calmement, rassemblerais des informations, puis je m'adresserais à la nation.
Environ sept minutes après l'entrée d'Andy, je suis revenu dans notre centre de communications, où quelqu'un avait apporté une télévision. Horrifié, je vis repasser au ralenti les images du deuxième avion percutant la tour sud. L'énorme boule de feu et l'explosion de fumée étaient pires que je ne l'avais imaginé. Le pays serait ébranlé, et il fallait que je passe immédiatement à la télévision. Je griffonnai ma déclaration à la main. Je voulais assurer au peuple américain que le gouvernement réagissait et que nous traînerions les coupables devant les juges. Puis je voulus rentrer le plus vite possible à Washington.
« Mesdames et messieurs, c'est un moment difficile pour l'Amérique, commençai-je. (...) Deux avions se sont écrasés contre le World Trade Center dans ce qui est apparemment une attaque terroriste contre notre pays. » Il y eut des exclamations contenues dans l'audience composée de parents et de membres du personnel de l'école, qui s'étaient attendus à un discours sur l'éducation. « Nous ne tolérerons pas d'actes terroristes contre notre nation », dis-je. Je conclus en appelant à un moment de silence pour les victimes.
(...) Les services secrets voulaient rapidement m'embarquer sur Air Force One. Tandis que notre cortège fonçait sur la Route 41 de Floride, j'appelai Condi sur la ligne sécurisée dans la limousine. Elle me dit qu'un troisième avion s'était écrasé, cette fois sur le Pentagone. Je m'adossai à mon siège et absorbai ce qu'elle venait de m'annoncer. Mes pensées s'éclaircirent : le premier avion aurait pu être un accident. Le deuxième était bel et bien une attaque. Le troisième était une déclaration de guerre.
Je sentais mon sang bouillir. Nous allions trouver qui avait fait ça, et nous allions leur botter le cul.
L'entrée en guerre était visible sur l'aéroport. Des agents armés de fusils d'assaut entouraient Air Force One. Deux des hôtesses attendaient en haut de la passerelle. Leurs visages trahissaient leur peur et leur tristesse. Je savais que des millions d'Américains éprouveraient les mêmes sentiments. Je les pris dans mes bras et leur dis que tout irait bien.
J'entrai dans la cabine présidentielle et demandai qu'on me laisse seul. Je pensais à la peur qu'avaient dû ressentir les passagers de ces avions, au chagrin qui allait s'abattre sur les familles des morts. Tant de gens avaient perdu des êtres chers si brutalement. Je priai Dieu pour qu'il réconforte les affligés et qu'il guide le pays en cette épreuve. Les paroles de l'un de mes chants d'église préférés me revinrent, « Dieu de Grâce et Dieu de Gloire » : « Donne-nous la sagesse, donne-nous le courage pour faire face en cette heure. »
Si mes émotions étaient les mêmes que celles de la plupart des Américains, mes devoirs, eux, étaient autres. Le temps du deuil viendrait plus tard. Le temps de réclamer justice viendrait aussi. Mais, d'abord, je devais gérer la crise. Nous avions été victimes de l'attaque surprise la plus dévastatrice depuis Pearl Harbor. Un ennemi avait frappé notre capitale pour la première fois depuis la guerre de 1812. En une matinée, le but de ma présidence était devenu clair : je devais protéger notre peuple et défendre nos libertés qui venaient d'être prises pour cibles. (...)
Eberlué. J'appelai Dick Cheney tandis qu'Air Force One grimpait rapidement à 45 000 pieds, bien au-dessus de notre altitude de croisière habituelle. Le vice-président avait été emmené dans le Presidential Emergency Operations Center, le PEOC, un complexe souterrain, quand les services secrets avaient cru qu'un avion pouvait viser la Maison-Blanche. Je lui dis que je prendrais mes décisions en vol et que je comptais sur lui pour les faire appliquer au sol.
Je pris rapidement deux décisions. L'armée avait déployé des patrouilles de combat, des chasseurs qui avaient pour mission d'intercepter tout appareil ne répondant pas aux sommations, au-dessus de Washington et New York. (...)
Nous devions préciser avec clarté les règles d'engagement. Je dis à Dick que nos pilotes devaient entrer en contact avec tout appareil suspect et s'efforcer de le contraindre à atterrir pacifiquement. Si cela ne fonctionnait pas, je leur donnais l'ordre d'abattre ces appareils. Les avions détournés étaient des armes de guerre. En dépit du coût terrible, en en abattant un, on pouvait sauver d'innombrables vies au sol. Je venais de prendre ma première décision en tant que commandant en chef en temps de guerre.
Dick me rappela quelques minutes plus tard. Condi, Josh Bolten et d'autres membres de l'équipe de la sécurité nationale l'avaient rejoint au PEOC. Ils avaient appris qu'un avion ayant coupé ses communications se dirigeait sur Washington. Dick me demanda de confirmer l'ordre que j'avais donné. Ce que je fis. (...)
La deuxième décision porta sur l'endroit où atterrir. J'étais convaincu que nous devions revenir à Washington. Je tenais à diriger la riposte depuis la Maison-Blanche. Cela rassurerait le pays de voir le président dans la capitale qui venait d'être attaquée.
Peu après avoir décollé de Sarasota, Andy et Eddie Marinzel (deux agents des services secrets) entreprirent de m'en dissuader. Ils me dirent que la situation à Washington était trop instable, que le danger d'une attaque était trop élevé. La FAA pensait que six avions avaient été détournés, ce qui signifiait que trois pouvaient encore se trouver en l'air. Je leur répondis que je n'allais pas laisser les terroristes me faire peur. « Je suis le président, fis-je d'un ton ferme. Et nous allons à Washington. »
Ils insistèrent. L'idée que des terroristes aient pu me contraindre à fuir me rebutait. Mais j'avais beau vouloir rentrer, je comprenais qu'il était entre autres de ma responsabilité d'assurer la continuité du gouvernement. Quelle victoire de propagande pour l'ennemi s'ils parvenaient à éliminer le président ! Mon aide de camp militaire et les agents des services secrets recommandèrent de diriger notre appareil sur la base aérienne de Barksdale, en Louisiane, où nous pourrions faire le point. Je cédai. Quelques minutes plus tard, je sentis Air Force One braquer vers l'ouest.
La lamentable technologie des communications d'Air Force One fut la source d'une de mes plus grandes frustrations le 11 septembre 2001. L'avion ne disposait pas de télévision par satellite. Nous dépendions des moindres chaînes locales que nous pouvions capter. Au bout de quelques minutes sur une chaîne, l'écran se brouillait.
J'aperçus assez de fragments de reportages pour comprendre l'horreur de ce que contemplaient les Américains. Eperdus, des gens sautaient des étages supérieurs des tours du World Trade Center. D'autres s'agrippaient aux fenêtres, espérant être sauvés. Je ressentais leur souffrance, leur désespoir. J'occupais les fonctions les plus puissantes de la planète et, pourtant, je me sentais impuissant à les aider. (...)
L'effondrement des deux tours amplifia encore la catastrophe. Cinquante mille personnes travaillaient d'ordinaire dans ces édifices. Certaines avaient été évacuées, mais combien étaient restées ? Des milliers ? Des dizaines de milliers ? Je n'en avais aucune idée. Mais j'étais sûr que je venais de voir plus d'Américains mourir que tout autre président dans l'Histoire.
Je me tins au courant des derniers développements en appelant Dick et Condi au PEOC. Nous tentâmes d'établir une ligne ouverte, mais elle était régulièrement coupée. Dans les années qui suivirent, le chef d'état-major adjoint Joe Hagin supervisa d'importantes modernisations du système de communication du PEOC, de la Situation Room et d'Air Force One.
Quand nous recevions des informations, elles étaient souvent contradictoires et parfois tout à fait fausses. Je découvrais ce qu'est le brouillard de guerre. Des rapports faisaient état d'une bombe au Département d'Etat, d'un incendie sur le National Mall, du détournement d'un avion de ligne à destination des Etats-Unis et d'une menace téléphonique contre Air Force One. L'auteur de l'appel avait utilisé le nom de code de l'avion, Angel, connu de très peu de gens. L'information la plus bizarre concerna un objet volant à grande vitesse en direction de notre ranch de Crawford. Toutes ces informations étaient infondées, s'avéra-t-il par la suite. Mais, compte tenu des circonstances, nous prenions tout rapport au sérieux.
Un de ceux que je reçus se révéla, en revanche, exact. Un quatrième avion s'était écrasé quelque part en Pennsylvanie. « Nous l'avons abattu ou il s'est écrasé ? » demandai-je à Dick Cheney. Personne ne savait. J'en avais l'estomac retourné. Avais-je ordonné la mise à mort de ces Américains innocents ?
(...) L'atterrissage à Barksdale me donna l'impression de me retrouver dans un décor de cinéma. Des F-16 de mon ancienne unité de la base d'Ellington nous avaient escortés. Des bombardiers étaient alignés sur la piste. C'était une scène frappante, la force ainsi déployée de notre puissante armée de l'air. Je savais que ce n'était qu'une question de temps avant que j'utilise cette puissance contre quiconque avait commandité ces attentats.
Il n'y avait pas de cortège présidentiel qui m'attendait à Barksdale, aussi l'officier commandant la base, le général Tom Keck, avait-il dû improviser. Les agents me firent descendre la passerelle de l'appareil à toute vitesse et m'embarquèrent dans un véhicule qui démarra en trombe et fonça sur la piste à ce qui me semblait être 130 kilomètres/heure. Quand l'homme au volant commença à prendre des virages à cette vitesse, je hurlai : « Ralentis, fiston, il n'y a pas de terroristes sur cette base ! » C'est probablement le moment où j'ai le plus frôlé la mort ce jour-là.
(...) Je commençai à réfléchir à ce que j'allais dire au pays quand je parlerais depuis le Bureau ovale ce soir-là. Mon premier instinct était de dire au peuple américain que nous étions une nation en guerre. Mais, en contemplant le carnage à la télévision, je compris que le pays était encore sous le choc. Une déclaration de guerre ne ferait qu'aggraver cette angoisse. Je décidai d'attendre un jour.
Un Pearl Harbor. Je tenais malgré tout à annoncer une grande décision que j'avais prise : les Etats-Unis considéreraient tout pays abritant des terroristes comme étant responsable des actes de ces derniers. Cette nouvelle doctrine était en rupture avec le passé, l'approche consistant auparavant à traiter les groupes terroristes comme étant distincts de ceux qui les aidaient. Nous devions contraindre des pays à choisir : soit ils luttaient contre les terroristes, soit ils partageaient leur sort. Et nous devions mener cette guerre de façon offensive, en attaquant les terroristes à l'étranger avant qu'ils ne puissent nous attaquer chez nous. (...)
Air Force One se posa à la base aérienne d'Andrews, dans le Maryland, un peu après 18 h 30. Je montai rapidement à bord de Marine One, qui décolla et, dix minutes plus tard, atterrit sur la pelouse sud. Tout au long du trajet, l'hélico effectua des manoeuvres d'évitement. Je ne ressentais aucune peur. Je savais que les marines qui pilotaient HMX-1 me ramèneraient chez moi.
Je contemplai Washington, comme abandonnée, muette. Au loin, je pouvais voir de la fumée monter du Pentagone. Le symbole de notre puissance militaire se consumait. (...) C'était un Pearl Harbor des temps modernes. Tout comme Franklin Roosevelt avait rassemblé la nation pour défendre la liberté, c'était à moi qu'il incombait de prendre la tête d'une nouvelle génération pour protéger l'Amérique. Je me tournai vers Andy et déclarai : « Vous êtes en train d'assister à la première guerre du XXIe siècle. »
Dix dates clé
1946 : 6 juillet, naissance à New Haven (Connecticut)
1968 : licencié en histoire de l'université Yale. 1975 : MBA de l'Harvard Business School.
1978 : entrepreneur dans le secteur pétrolier. 1994 : gouverneur du Texas. e
2000 : élu 43 président des Etats-Unis.
2001 : 11 septembre, attentats contre le World Trade Center et le Pentagne. Octobre : intervention en Afghanistan.
2003 (mars) : invasion de l'Irak. 2004 : réélu pour un second mandat. 2008 : Barack Obama élu président.
Instants décisif, de George W. Bush (Plon, 492 p., 23 E).
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