Après avoir réfuté les critiques de l'opposition sur l'aide de la France au régime de Zine El-Abidine Ben Ali, en Tunisie, le premier ministre livre lui-même des informations qui pointent le rôle joué par Michèle Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères.
Dans un courrier adressé, lundi 31 janvier, au président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, qui l'interrogeait sur la réalité du soutien de la France en matière de maintien de l'ordre, M. Fillon a confirmé les révélations du Monde. Il y a bien eu, assure-t-il dans sa lettre, quatre autorisations de livraison de dizaines de tonnes de grenades lacrymogènes à la Tunisie, dont deux alors que le régime réprimait une révolte populaire au prix de dizaines de morts.
Selon le chef du gouvernement, Mme Alliot-Marie, en tant que ministre de l'intérieur puis en qualité de ministre des affaires étrangères, a joué un rôle central dans l'accord favorable donné à ces exportations. " Deux autorisations d'exportations de produits explosifs ont été délivrées le 8 novembre après avis favorable du ministère de l'intérieur le 28 octobre ", assure M. Fillon. En matière de maintien de l'ordre, l'accord du ministère de l'intérieur est prédominant, mais reste soumis à ceux des affaires étrangères et de la défense, qui peuvent s'y opposer.
Absence d'objection
A cette date, les émeutes n'ont pas encore débuté, mais ces demandes ont été déposées par " anticipation " à la suite d'échanges entre la société exportatrice Sofexi, qui l'a confirmé au Monde. Son client tunisien n'a pas encore effectué, à ce moment, de commandes fermes. La formalisation de ces achats par Tunis interviendra en décembre. Les premiers mouvements débutent le 17 décembre.
Le premier ministre note, par ailleurs, que " deux autres autorisations ont été délivrées le 12 janvier 2011 après avis favorable du ministère de l'intérieur " et l'absence d'objection de la défense et du Quay d'Orsay, dirigé par Mme Alliot-Marie depuis le 15 novembre.
Le 11 janvier, à l'Assemblée nationale, alors que la répression des manifestations, en Tunisie, a déjà fait une centaine de morts, Mme Alliot-Marie propose à Tunis, au nom de la France, son " savoir-faire " en matière de " techniques de maintien de l'ordre ". Le 14 janvier, le président Ben Ali fuyait son pays. Ce même jour, un journaliste sera mortellement touché par une grenade lacrymogène.
M. Fillon assure, enfin, que le ministère des affaires étrangères n'a demandé la suspension des quatre livraisons de grenades que le 18 janvier. Le 25 janvier, Mme Alliot-Marie réfutait encore tout soutien. " Notre coopération avec la Tunisie est essentiellement tournée vers l'aide aux populations et, depuis toujours, l'aide au développement, l'aide à l'éducation et à la formation ".
Jacques Follorou et Patrick Roger
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