Après s'être abstenue lors du vote de la résolution de l'ONU, la Chine est aujourd'hui vent debout contre un conflit qu'elle dit fondé sur des arrière-pensées économiques et géostratégiques.
A lire la presse officielle chinoise et à écouter les grands médias audiovisuels du pays, cela ne fait aucun doute : la guerre en Libye est fondée sur de basses considérations économiques ou géostratégiques. Le « China Daily » a résumé les choses en expliquant que « de même que l'Irak avait été attaqué à cause de son pétrole, la Libye est également attaquée pour son pétrole ». Pour le « Global Times », très nationaliste, cela va plus loin : « Avec ces attaques aériennes, l'Occident fait passer le message qu'il veut dominer le monde. » Tout cela parce que ce dernier « croit encore dur comme fer qu'il dirige le monde ». Quant au « Quotidien du peuple », il juge que « pour l'essentiel, l'intervention politique et militaire occidentale au Moyen-Orient est liée au pétrole ».
La France est particulièrement visée. Le « Quotidien du peuple » voit dans son activisme sur ce dossier le signe que, présidant le G20, elle veut à tout prix démontrer sa capacité à mener une dynamique collective. Et il n'exclut pas qu'il y ait là, de la part de Nicolas Sarkozy, des considérations politiciennes, la Libye faisant diversion après les élections cantonales.
Nulle part n'est relevée, en revanche, l'incohérence de la position chinoise dans ce dossier. Car si Pékin apparaît aujourd'hui comme le pays le plus vindicatif contre l'intervention en Libye et appelle depuis mardi à un cessez-le-feu, le pays s'est pourtant abstenu lors du vote de la résolution de l'ONU, plutôt que d'y opposer son veto. Une attitude inédite : l'empire du Milieu a toujours été opposé aux interventions militaires fondées sur des arguments humanitaires. Le principe de non-ingérence et de respect de la souveraineté primait. Pour certains, le fait qu'il ait, cette fois, implicitement accepté cette intervention découle de son nouveau statut de puissance. Le pays est désormais obligé de jouer un rôle plus constructif et donc de tenir compte de l'avis des pays arabes ou africains plébiscitant l'opération militaire.
Le résultat est ce grand écart entre, d'un côté, une abstention qui vaut acceptation, et de l'autre, une campagne médiatique dont la virulence peut s'expliquer par l'extrême vigilance des autorités vis-à-vis de la propagation des valeurs « occidentales » de droits de l'homme. Le « Global Times » a ainsi dénoncé les sites Internet chinois qui invoquent « l'argument insensé selon lequel les droits de l'homme seraient plus importants que la souveraineté ». Effectivement, le plus célèbre des blogueurs chinois, Han Han, a écrit que « le refus de l'ingérence ne vaut rien lorsqu'on a affaire à des dictateurs ». Quant au site de « micro-blogging » du portail Sina, il a laissé s'écrire quelques messages critiques. L'écrivain Zhang Yihe relaie ainsi le message d'un internaute qui s'étonne du fait que « les pays qui s'opposent au recours à la force à l'extérieur soient souvent ceux qui la pratiquent à l'intérieur ».
Gabriel Grésillon
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