J'avais toujours pensé que je reviendrais un jour dans ce pays. » Le poste d'ambassadeur de la République française en Chine, qu'elle occupe depuis mars, apparaît comme une suite logique dans le parcours de Sylvie Bermann. Non que celle-ci ait effectué toute sa carrière dans l'empire du Milieu : Moscou, Paris, New York, Bruxelles ont également été ses terrains de jeu. Mais, depuis son année d'échange universitaire qui lui a valu une immersion à Pékin, le goût de ce pays ne l'a pas quittée.
Ce n'est pourtant pas la douceur de vivre qu'elle découvre, en 1976, dans la capitale chinoise. Tout le contraire, même : des conditions de vie spartiates, l'hiver glacial sans chauffage, l'eau que l'on allait chercher avec un broc, les tickets de rationnement. Et même une semaine passée dans la campagne à récolter des cacahuètes et repiquer du riz, une autre à travailler dans une usine de transistors. Et pourtant, dans cet univers de labeur, elle découvre un peuple « profondément dynamique et heureux de vivre ».
Sa curiosité intellectuelle est piquée. Etudiante en France à l'IEP puis à l'Inalco, elle se doutait déjà que l'image d'une population « collectiviste et disciplinée » était éloignée de la réalité. Sur place, elle découvre un peuple en effervescence. Avec la chute de la « bande des quatre », ce sont trois jours de manifestations monstres qui agitent la capitale : la grande page sombre de la Révolution culturelle se tourne sous ses yeux. Un vent de liberté et de liesse souffle sur Pékin. En moins d'un an, elle a vu la Chine changer. Le virus est pris : elle sait désormais que ce pays « a un passé et un avenir ».
Expérience des « enjeux globaux »
Elle entre au ministère des Affaires étrangères « dans le but de revenir un jour en Chine », puis « harcèle le personnel » pour y trouver un poste, un objectif qu'elle atteint en 1980. Cinq ans plus tard, elle opte pour Moscou afin d'observer de près « l'autre communisme ». Là encore, le timing est parfait : elle verra l'URSS en période de transition. L'occasion de constater les différences d'approche entre deux réformismes que tout oppose. En URSS, « l'oukase venu d'en haut », et en Chine, « une démarche expérimentale, testée au niveau local avant d'être étendue ».
A la faveur d'un poste à Paris où elle s'occupera de la Conférence de paix pour le Cambodge, Sylvie Bermann met un pied, en 1989, dans le monde du maintien de la paix. Elle vient de tisser un autre fil directeur de sa carrière. S'ensuit un poste « absolument passionnant » à New York, aux Nations unies, auprès du Conseil de sécurité, où elle apprécie notamment de pouvoir « observer la Chine de l'extérieur ». Puis on lui confie, à Paris et à Bruxelles, la mission de bâtir avec ses homologues européens une politique étrangère et de sécurité commune. Autant d'expériences qui lui ont permis de mieux percevoir « les enjeux globaux », ce qui a dû peser dans sa nomination en tant qu'ambassadeur dans un pays membre permanent du Conseil de sécurité.
Aujourd'hui, c'est la vitesse à laquelle la Chine change qui époustoufle Sylvie Bermann. Ce pays, dit-elle, « a vécu en trois décennies ce que nous avons connu en deux siècles ». Pour cette dévoreuse de grands classiques de la littérature, cette ébullition se traduit dans les romans contemporains nationaux, « d'une créativité que l'on ne retrouve actuellement que chez les écrivains américains ». Un indice pour ses projets ?
Gabriel Grésillon
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